J'ai bien ri en lisant la recension de Fantastic Mr. Fox dans le Variety. Todd McCarthy, critique en chef du magazine spécialisé américain, fait en effet remarquer que le nouveau film de Wes Anderson est le second cette année à mettre en valeur un renard parlant, l'autre étant Antichrist. «Il n'y a pas de mutilation génitale dans celui-là, mais l'un des personnages principaux se fait quand même couper la queue!», écrit McCarthy.

Le ton de Fantastic Mr. Fox (Fantastique maître renard, en version française - à l'affiche depuis mercredi) ne pourrait être plus éloigné de celui qu'emprunte le renard émacié annonçant le règne du chaos dans le brûlot de Lars Von Trier. N'empêche qu'il y a, dans ce film d'animation «à l'ancienne», une petite touche de délinquance, un élément de subversion dans sa forme même. Surtout, la signature de Wes Anderson, l'un des esprits les plus originaux du cinéma américain, reste intacte. Pourtant, Fantastic Mr. Fox est d'abord destiné à un public plus familial.

Celui à qui l'on doit Rushmore et The Royal Tenenbaums a fait sien le conte de Roald Dahl. L'auteur cinéaste ajoute en effet une dimension supplémentaire, laquelle répond à ses préoccupations, à son univers propre. On reconnaît aussi ses thèmes de prédilection (la dysfonction familiale notamment), sa manière, son humour un peu décalé, ses dialogues fins d'esprit.

J'ai souvent déploré ici le fait que des cinéastes de grand talent se résignent parfois à mettre leur personnalité de côté dès qu'ils abordent une production destinée à un public plus jeune. Hormis les 20 premières minutes de son plus récent film, Spike Jonze, par exemple, est singulièrement absent de Where the Wild Things Are. À mon avis, le réalisateur de Being John Malkovich s'est transformé en simple «faiseur» au gré de son récit. Habile faiseur, certes, mais faiseur néanmoins.

Wes Anderson prouve au contraire qu'il est possible d'élargir sa palette sans pour autant compromettre sa vision ou son propos. Plus qu'une simple petite récréation sympathique, Fantastic Mr. Fox participe entièrement à la construction de l'oeuvre d'un cinéaste dont les plus récentes offrandes, The Life Aquatic with Steve Zissou et The Darjeeling Limited, n'ont pas eu vraiment beaucoup d'écho.

Reste maintenant à voir si cette approche peut séduire les publics de tous âges de la même manière que le font les dessins animés les plus populaires. Il s'agit, quand même, d'un autre rythme, d'un autre ton, d'un film dont la facture est nettement différente de celle de toutes les productions high-tech truffées d'images de synthèse. Mais les admirateurs du cinéma de Wes Anderson, eux, seront ravis. Je l'ai été en tout cas.

Drôle d'époque

«Je bois et je fume. L'alcool conserve les fruits; la fumée conserve la viande!» Ainsi s'exprimait Serge Gainsbourg quand il aimait entretenir sa légende de poète maudit et iconoclaste. Un film biographique, réalisé par le bédéiste Joann Sfar, s'apprête à gagner les écrans français en janvier (Films Séville en détient les droits d'exploitation au Québec). Or, voilà qu'outre-Atlantique, l'affiche a fait parler d'elle un peu plus tôt cette semaine. Métrobus, la régie publicitaire de la société de transports publics parisiens, a refusé les placements prévus, invoquant une loi interdisant toute «propagande» directe ou indirecte en faveur du tabac. Sur l'affiche de Gainsbourg (vie héroïque), on ne voit pourtant que des volutes de fumée sortir de la bouche de l'acteur Éric Elmosnino, l'interprète de l'auteur de La javanaise. Pas la moindre Gitane en vue. Or, cette affiche n'aura pas droit de cité dans les couloirs du métro, la fumée étant proscrite au même titre que la clope de Coco avant Chanel, ou la pipe de Jacques Tati. J'entends d'ici Gainsbourg réciter outre-tombe à son dieu fumeur de havanes un nouveau Requiem pour des cons.

Mes deux cennes

Il fut beaucoup question d'éthique et d'embargos critiques au cours des derniers jours. D'autant plus que la teneur de certains commentaires n'allait pas tout à fait dans le sens du message mis de l'avant par une campagne publicitaire savamment orchestrée. La règle est pourtant claire. Du moins, dans «mon livre» (à moé). Dès qu'il est présenté en projection officielle quelque part, à Cannes, au Centre Bell, à Tombouctou ou à Tuktuyaktuk, un film s'expose à la critique. Point à la ligne. Penser le contraire relève tout simplement de la mauvaise foi. Vous espérez qu'aucun commentaire négatif ne circule sur votre nouveau chef-d'oeuvre avant la sortie? Facile. Ne le montrez pas en public. Ou, si vous le faites, essayez de faire preuve d'un peu plus de discrétion. Évitez surtout, en autant que faire se peut, d'inviter 14 000 partisans à votre célébration.