Le défi : des quelques centaines de films ayant pris l’affiche au Québec cette année, en choisir 10.

Je suis longtemps resté coincé à 11. Casse-tête incontournable. Le meilleur film que j’ai vu en 2009? Un prophète de Jacques Audiard, au Festival de Cannes. Il ne prendra l’affiche chez nous qu’en février. Inéligible. Pas de chef-d’œuvre dans cette liste donc, mais 10 très bons films à voir ou revoir. Les voici.

1. Antichrist de Lars Von Trier

Brillant exercice de style, brutal, sulfureux et cauchemardesque, baroque, dense et visuellement splendide, Antichrist est aussi un film dérangeant, d’une violence sordide, qui donne dans la mutilation génitale autant que dans le délire satanique. Une œuvre sombre, glauque, inquiétante, oppressante, charnelle et impudique où l’on retrouve, poussé à l’excès, le goût prononcé de Lars Von Trier pour la provocation, la prétention, la violence et l’humour noir. Plasticien de génie, Von Trier propose en quatre actes (ainsi qu’un magnifique prologue) la descente aux enfers d’un couple (interprété par Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg, d’une magnifique intensité) aux prises avec le deuil de son tout jeune fils.

2. Inglourious Basterds, de Quentin Tarantino

Film de guerre puissant et maîtrisé, qui rend hommage aux westerns spaghetti, Inglourious Basterds est sordide, cynique et archiviolent, grandiloquent et ambitieux, mais aussi grandiose et majestueux. Quentin Tarantino s’y trouve au sommet de sa forme, dans un cinéma de référence pleinement assumé, varié et foisonnant. L’enfant terrible du cinéma américain propose une mise en scène particulièrement soignée et un scénario dense et inventif, porté notamment par Christoph Waltz, une des révélations de l’année. Une somptueuse métaphore de la puissance du cinéma.

3. La vie moderne, de Raymond Depardon

Raymond Depardon, prolifique photographe et documentariste, a suivi pendant 10 ans le parcours de paysans des Cévennes. Il en a tiré deux « profils paysans » préparatoires à La vie moderne, film humaniste d’une grande beauté formelle. Ce magnifique documentaire se présente comme une collection de portraits psychologiques saisissants, instantanés de quotidiens presque immobiles. La vie moderne est bercé de silences: ceux de ces paysans pour qui les gestes comptent davantage que les paroles, souvent futiles. C’est un film forcément contemplatif, guidé par la narration engageante et chaleureuse de Raymond Depardon, qui impose un style de réalisation unique à son documentaire. Un film lumineux sur une réalité sombre.

4. The Hurt Locker, de Kathryn Bigelow

The Hurt Locker, film grand public au regard d’auteur, réussit à dépeindre l’homme au front dans ses derniers retranchements, en tirant une humanité de la cruauté de la guerre. Une fiction réaliste sur la déshumanisation du conflit armé, sur ses effets euphorisants aussi, qui rend le spectateur témoin des choix quotidiens de vie ou de mort des soldats. Une œuvre d’une perpétuelle tension, qui privilégie la représentation sur la théorie, la nuance sur le manichéisme, l’empathie sur le jugement péremptoire. The Hurt Locker – une expression militaire définissant la zone des opérations de déminage – est le meilleur film jamais réalisé sur l’actuelle guerre en Irak.

5. Entre les murs, de Laurent Cantet

Un faux documentaire d’une infinie finesse, inspiré de l’expérience et du livre d’un professeur de collège, François Bégaudeau, coscénariste du film, qui se révèle sous la direction de Laurent Cantet un acteur fort crédible. La réalisation est impeccable, le jeu approximatif des acteurs non professionnels n’entame en rien le réalisme du récit, mais c’est surtout le scénario, privilégiant le questionnement aux réponses toutes prêtes, qui fait d’Entre les murs une œuvre si forte. Jusqu’où faut-il aller pour aider des jeunes à apprendre contre leur gré? Laurent Cantet a l’intelligence de laisser à chacun le loisir de répondre.

6. Polytechnique, de Denis Villeneuve

Un film dur et bouleversant, brutal et fin. Une œuvre remarquable, à marquer d’une pierre blanche dans notre cinématographie récente. Un film brillamment réalisé, scénarisé (Jacques Davidts) et joué, des premiers rôles (Maxim Gaudette, renversant) aux personnages secondaires. Un film d’une sobriété nécessaire, pour un drame qu’on ne saura jamais oublier.

7. Che, de Steven Soderbergh

L’œuvre remarquable, âpre et épurée, de Steven Soderbergh sur le mythe Ernesto Guevara. Un film d’une vérité crue, aussi loin de l’hommage complaisant que de la biographie filmée traditionnelle, rendu sous forme d’un diptyque sur la victoire et la défaite, la réussite et l’échec, d’un homme de principes, prêt à tuer pour ses idées. Le maquis cubain et la guérilla bolivienne comme si on y était.

8. Il Divo de Paolo Sorrentino

Paolo Sorrentino a brossé un portrait fascinant, iconoclaste, de l’ancien dirigeant du gouvernement italien Giulio Andreotti. Politicien énigmatique, mégalomane philosophe, dictateur vampirique, bossu machiavélique, tricheur burlesque. Une mise en scène singulière, raffinée, opératique, avec force clins d’œil à la commedia dell’arte.

9. Les trois singes, de Nuri Bilge Ceylan

Film noir sur le désespoir, l’humiliation et le mensonge. Sur l’homme qui, compromettant sa dignité, ne veut ni voir, ni entendre, ni parler, comme les trois singes de Confucius. Un très beau film, élégiaque, d’ambiances lourdes, de sueur, de spectres, d’abus de pouvoir et d’images sépia.

10. Up in the Air, de Jason Reitman

Une tragicomédie spirituelle, ironique et fort « sympathique » du Montréalais d’origine Jason Reitman, que l’on attend dans toutes les cérémonies de prix de fin d’année aux États-Unis. Les dialogues sont aussi savoureux que ceux de Juno, même si l’on a déjà connu le cinéaste de Thank You For Smoking plus caustique. Up in the air, qui traverse plusieurs nuages gris, évite généralement l’humour noir et demeure dans un registre grand public acceptable pour Hollywood. Le film populaire de l’année.