Le film a été présenté hier soir au Festival de Sundance. Il a déjà été acheté pour distribution aux États-Unis et prendra l'affiche le 5 février au Québec. On risque de beaucoup entendre parler des Sept jours du talion au cours des prochaines semaines. Et pour cause.

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Le premier long métrage de Podz (alias Daniel Grou), d'après le roman de Patrick Senécal qu'il a lui-même adapté pour le cinéma, est un thriller brillant, puissant, aussi dur que subtil. Une oeuvre d'une violence inouïe, physique comme psychologique, parfois insoutenable, qui ne fait pas dans la provocation gratuite et pousse à la réflexion sur les spirales de la violence.

La comparaison est boiteuse, mais j'ai pensé à David Fincher en voyant Les sept jours du talion. Plus pour la capacité de se servir habilement des mécanismes du thriller psychologique (Zodiac, notamment) que pour l'évocation de Seven. Pour le reste, ce film sur la vengeance, très loin du «revenge movie» hollywoodien, s'apparente davantage, dans son esprit, à un Funny Games (de Michael Haneke) qu'à un Commando (avec un autre Autrichien, Arnold Schwarzenegger).

Les sept jours du talion s'intéresse aux séquelles du plus horrible des crimes. Une enfant de 8 ans est enlevée, violée puis assassinée dans un quartier cossu de Drummondville. L'assassin présumé, Anthony Lemaire (Martin Dubreuil), est arrêté quelques jours plus tard. On le voit, à la télévision, menotté, le regard défiant, l'air baveux. Le père de la fillette, Bruno Hamel (Claude Legault), chirurgien, décide d'enlever le meurtrier et de le torturer pendant sept jours, avant de le tuer et de se rendre à la police.

C'est l'histoire d'un père, aveuglé par son désir de vengeance, qui perd progressivement la tête. Celle d'un couple, sous le choc, qui part à la dérive. C'est aussi une formidable manipulation du spectateur. Cinéaste et scénariste puisent dans les bas instincts de vengeance qui nous habitent pour nous faire douter de nos idéaux.

Les sept jours du talion
se pose ainsi en courtepointe de paradoxes, de sentiments bruts et de ressentiments, de doutes et de certitudes, de culpabilité et de haine, de scrupules moraux et de volonté de rétribution, de justice et de réciprocité.

Oeil pour oeil, dent pour dent. Une jeune fille a été violée et assassinée. Faut-il que son meurtrier souffre le même sort pour qu'elle soit vengée? «Je lui dois ça», dit Bruno Hamel à sa femme (Fanny Mallette, impeccable), à propos de sa fille, pour tenter de justifier ses actes. Bientôt, il ne sait plus s'il a raison. Nous non plus.

Le traitement n'est pas le moindrement manichéen. Tout le contraire. Le spectateur est plongé dans une zone grise entre le bien et le mal, aux prises avec de constants déchirements éthiques, au gré d'une fascinante joute psychologique entre la victime et son bourreau. Qui est la victime? Qui est le bourreau? L'empathie pour la victime peut-elle résister à sa transformation en bourreau? «T'es pire que moé», lance le violeur à son tortionnaire.

À ce duel d'anthologie - Legault et Dubreuil sont d'une justesse irréprochable dans des rôles chargés d'émotion - s'ajoute le personnage torturé de l'enquêteur Hervé Mercure (Rémy Girard, au sommet de sa forme), dont la femme a elle-même été assassinée six mois plus tôt. Y a-t-il un réconfort à voir le meurtrier d'un de ses proches emprisonné? lui demande Hamel au téléphone, alors que le policier est à ses trousses. Pourquoi tous ces efforts pour sauver un violeur d'enfants? lui demande à son tour son assistant (Alexandre Goyette, très juste lui aussi).

J'y ai vu une réflexion sur l'esprit de meute, doublée d'un plaidoyer contre la peine de mort. J'aurais pu y voir autre chose. On voit bien ce que l'on veut au cinéma. C'est l'une des grandes forces des Sept jours du talion: le film s'adresse à l'intelligence du spectateur, en ne comblant pas le vide pour lui. Il se termine d'ailleurs brillamment, par deux phrases équivoques et paradoxales, tirées du roman de Patrick Senécal.

Je craignais une mise en scène trop appuyée. Podz a un style unique, immédiatement reconnaissable. Il a marqué la télévision avec sa réalisation inventive de Minuit le soir et autres C.A.. Le piège du «trop en faire», pratiquement indissociable du premier film, était grand.

Écueil évité avec brio. Le réalisateur impose sa signature soignée au cinéma (traitement de l'image glacial, esthétique grise, tons neutres), jamais au détriment du récit. La réalisation est d'une admirable sobriété, tout en subtilité, sans trame musicale, avec très peu d'éclairages et beaucoup de silences. Un vêtement noir nous fait comprendre, en quelques secondes, que les funérailles auront lieu.

Les sept jours du talion
est marqué d'un réalisme sans affect qui rend sa violence, sordide, d'autant plus insupportable. Pendant la projection, j'ai vu trois personnes quitter la salle. Ce film, à l'évidence, n'est pas fait pour tous les publics.

C'est pourtant une oeuvre universelle, profondément humaine. Le film québécois le plus abouti, le plus maîtrisé, que j'ai vu depuis Polytechnique. Un film sur la mort, que l'on ne peut sublimer par les actes. La mort qui hante ceux qui refusent de lâcher prise.