Romaine, une Parisienne pur beurre, déteste le froid, les avions, et les surprises. Son amoureux, peu perspicace, lui fait une surprise: ils prennent l’avion, en route vers un village à 1200 km au nord de Montréal. En plein hiver.


Il (Pascal Elbé) a des idées de grandeur. Elle (Sandrine Kiberlain) a toutes les phobies. Pendant le trajet transatlantique, croyant sa fin proche, elle lui avoue qu’en trois ans de vie commune, il ne l’a jamais fait jouir. L’orgueil meurtri, il l’abandonne à l’atterrissage, sans le sou. Il ira vivre seul son rêve de «cabane au Canada». Elle cherchera, à Montréal, une façon de retourner au plus vite chez elle.


Romaine par moins 30
, une coproduction franco-québécoise réalisée par Agnès Obadia qui prend l’affiche la semaine prochaine, n’est pas un grand film. Tournée principalement au Québec, cette comédie sympathique joue habilement des codes du burlesque, à l’occasion d’une suite de péripéties rocambolesques, plus invraisemblables les unes que les autres.


Les acteurs sont parfaitement dans le ton (notamment les Québécois Louis Morissette et Maxim Roy), mais les dialogues sont parfois plaqués et l’ensemble, somme toute caricatural. Il fallait aussi s’y attendre: le Québec sert de nouveau de carte postale enneigée, cette fois à l’appui d’un «film de filles» onirique, à l’intrigue mince et échevelée, plutôt anecdotique.


La thématique est semblable, mais Romaine par moins 30 reste loin, dans le registre du «Français idéaliste égaré dans la Belle Province», de la caricature grotesque du Bonheur de Pierre, sorti il y a tout juste un an. Le film de Robert Ménard est l’archétype de la mauvaise coproduction. Une œuvre qui transpire le compromis biculturel, pour un résultat n’intéressant aucun public, de part et d’autre de l’Atlantique.


La coproduction avait déjà mauvaise réputation. Le bonheur de Pierre n’a pas aidé sa cause. Dommage. Car la coproduction, ce mode de financement mal-aimé et mal exploité au Québec, peut, entre les bonnes mains et pour des projets bien choisis, s’avérer une solution fort intéressante pour notre cinéma.


Tourner un long métrage coûte de plus en plus cher. Malheureusement, les subventions de Téléfilm Canada et de la SODEC n’augmentent pas au même rythme, depuis plusieurs années.

Tout naturellement, les producteurs québécois se tournent de plus en plus vers l’étranger pour boucler les budgets de projets de plus en plus ambitieux. Depuis 2004, une trentaine de films ont été coproduits par la France et le Québec, dont Romaine par moins 30 et Oscar et la dame rose d’Eric-Emmanuel Schmitt, qui prendra l’affiche à la fin du mois.


L’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) a fait de la coproduction son cheval de bataille, en affirmant la semaine dernière, à l’occasion de la rencontre annuelle de l’industrie cinématographique (l’événement Ciné-Québec), que le cinéma québécois devra s’ouvrir davantage à la coproduction s’il veut continuer à progresser et à se faire une niche à l’international.


La SODEC a, en ce sens, mis sur pied il y a quelques mois un comité formé des producteurs Denise Robert, Roger Frappier, Lorraine Richard et Lyse Lafontaine, chargé de réfléchir à différentes avenues pour la coproduction de films. Ses conclusions devraient être connues peu avant le prochain Festival de Cannes, en mai.


Paradoxalement, ce sont les règles strictes des institutions subventionnaires qui posent le plus de problèmes aux producteurs québécois. Selon les principes directeurs de Téléfilm Canada et les accords internationaux signés par le Canada, les ententes de coproduction, en télévision comme au cinéma, commandent des participations minimales de 20% de la plupart des coproducteurs étrangers. Un engagement qui en rebute plus d’un, semble-t-il.


«L’Europe a assoupli ses règles pour s’adapter à la nouvelle donne économique mondiale alors que nous devons faire avec des règles désuètes, vieilles de 30 ans», regrette Roger Frappier, président de MaxFilms. Le coproducteur de Romaine par moins 30 a dû renoncer récemment à une participation d’un million de dollars d’un producteur irlandais dans un de ses projets, car Téléfilm Canada exigeait le double de cet investissement dans le film.


«Il faut moderniser les accords de coproduction pour, entre autres, porter la participation minimale de 20% à 10%», croit Roger Frappier.

Les institutions elles-mêmes reconnaissent que leurs règles doivent être révisées. Téléfilm Canada compte faire des représentations auprès du ministère du Patrimoine en ce sens.


De nouvelles règles plus souples de coproduction ne garantiront évidemment pas de meilleurs films. Le défi de la coproduction se trouve autant dans l’harmonisation d’éléments artistiques que dans les opérations comptables.

Trop souvent, la coproduction s’est résumée au Québec au mariage forcé de corps étrangers. La coproduction reste une opération extrêmement délicate, qui ne doit être réalisée que si elle est naturelle et souhaitable pour un film.


L’APFTQ, comme la SODEC, semble convaincue que l’avenir du cinéma québécois à l’étranger passe nécessairement par la coproduction. Il faudra en faire la preuve. Il n’y a pas d’adéquation entre grand budget et rayonnement international. Le succès de J’ai tué ma mère en est un exemple probant. Il reste que certains projets ambitieux méritent des budgets conséquents. Étant donné l’impuissance des institutions en la matière, la coproduction reste un choix logique.


Toutes les coproductions ne ressemblent pas au Bonheur de Pierre. Les détracteurs de la coproduction oublient peut-être que Congorama, de Philippe Falardeau, a été réalisé grâce à l’appui de partenaires français et belges, et que Les Invasions barbares, de Denys Arcand, est aussi une coproduction franco-québécoise.

L’intégration heureuse existe. À condition de s’en donner les moyens.