En janvier 2009, Daniel Langlois a annoncé la réorientation de son complexe Ex-Centris, 10 ans après avoir mis à la disposition des cinéphiles montréalais trois salles à la fine pointe de la technologie pour la diffusion du cinéma international.

Il a été décidé que la projection de films cesserait le 20 mars, il y a exactement un an. Au printemps et à l’été, les salles Fellini et Cassavetes ont été reconverties afin d’accueillir des spectacles multidisciplinaires. La troisième salle du complexe, gérée par le cinéma Parallèle, a pu profiter d’un sursis en attendant de se trouver une nouvelle adresse.

La programmation, fort ambitieuse, du nouvel «eXcentris» a connu des ratés dès sa réouverture, en septembre: surabondance de spectacles (musicaux surtout), salles parfois mal adaptées aux artistes, désaffection du public, etc. Faux départ. Sa directrice générale a été remerciée et n’a pas été remplacée.

Il n’en fallait pas davantage pour que la nouvelle vocation du complexe soit remise en question, entre autres par les cinéphiles et distributeurs de films internationaux, ne trouvant pas toujours leur compte ailleurs. Peu à peu, on a pris la mesure de l’impact de la fermeture d’Ex-Centris, sous-estimé au départ, sur toute la chaîne de distribution du cinéma d’auteur international au Québec.

En décembre, une lueur d’espoir. Après une rencontre avec le Regroupement des distributeurs indépendants de films du Québec, Daniel Langlois ouvrait la porte à un retour du cinéma à Ex-Centris, en complément de sa programmation multidisciplinaire. «Maintenant qu’on comprend un peu mieux comment la machine fonctionne, j’évalue comment on pourrait mettre plus de cinéma dans la salle 2 (Fellini)», déclarait le président-fondateur à mon collègue Paul Journet.

Coup d’œil cette semaine à la «programmation multidisciplinaire» de l’«eXcentris». Après l’avalanche de l’automne, le désert. Deux spectacles programmés en mars (le 3 et le 5), deux autres concerts (du Quatuor Quasar) déplacés dans une autre salle, et celui de Paul Kunigis, prévu le 2 avril, annulé. Après, plus rien.

Coup de fil à Ex-Centris: Daniel Langlois est en vacances à l’étranger et ne pourra répondre à nos questions. Entre les branches, j’apprends que sa deuxième rencontre avec les distributeurs indépendants, d’abord prévue fin janvier, puis repoussée en février, a finalement été fixée au début avril. Au menu: plus seulement question de projections occasionnelles dans la salle Fellini, mais d’un possible retour à une programmation cinéma pour l’ensemble des salles.

La salle Fellini peut être reconvertie en moins de 40 minutes en salle de cinéma. La salle Cassavetes, plus grande, a été modifiée de façon plus importante, mais reste convertible pour la diffusion de films. Ses sièges ont été conservés, et ses cabines de projection sont intactes. La troisième salle, plus petite, est toujours gérée par la direction du Cinéma Parallèle. Son bail vient à échéance à l’automne 2011. Le Cinéma Parallèle, qui a dû renoncer à son projet de salles autour du métro Saint-Laurent, souhaiterait confirmer un nouveau projet au printemps.

Le Regroupement des distributeurs indépendants de films du Québec ne pourrait probablement occuper avec ses seuls films les trois salles d’Ex-Centris. Mais des festivals de cinéma et d’autres distributeurs souhaiteraient sans doute réinvestir cet espace exceptionnel, dont les cinéphiles refusent, avec raison, de faire le deuil. Reste à trouver une équipe de programmation qui puisse gérer le tout.

Un fantasme de cinéphile? Peut-être. Aucune entente n’a été conclue, mais l’ouverture est là, et il est permis de rêver. D’autant plus que le statu quo semble difficilement envisageable. Le complexe Ex-Centris n’est plus le pôle d’attraction qu’il était, dans un tronçon du boulevard Saint-Laurent devenu comme lui moribond. Ses salles servent essentiellement à des événements corporatifs ou ponctuels.

Sa réouverture sous la bannière du cinéma d’auteur, qui a fait sa renommée, créerait un effet de domino pour la distribution de films, qui en a cruellement besoin. Elle procurerait un nouveau souffle au quartier, et à Montréal. Et elle permettrait à Daniel Langlois de redorer un blason terni par une aventure inachevée. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Rumeurs cannoises


Du 12 au 23 mai aura lieu le plus prestigieux événement du cinéma mondial, le Festival de Cannes, avec à la tête du jury de sa compétition officielle l’iconoclaste Tim Burton. Aucun film québécois n’a été sélectionné en compétition depuis Les invasions barbares de Denys Arcand (Prix de la mise en scène et Prix d’interprétation à Marie-Josée Croze) en 2003.

Aussi, à moins de deux mois de l’événement, la machine à rumeurs est en marche. Et l’on se demande si des cinéastes québécois accompagneront leurs films sur la Croisette. Selon nos sources, le troisième long métrage de fiction de Catherine Martin (Mariages, Dans les villes), Trois temps après la mort d’Anna, a été présélectionné par les organisateurs de la sélection officielle (compétition ou Un certain regard) en attente d’une décision finale. Il en serait de même pour Les amours imaginaires de Xavier Dolan qui, s’il ne se retrouve pas en sélection officielle, aboutira vraisemblablement à la Quinzaine des réalisateurs, où le réalisateur a créé l’événement l’an dernier avec J’ai tué ma mère.

Parmi les autres films québécois qui auraient été présélectionnés dans l’une ou l’autre des différentes sections lors du passage de la délégation cannoise à Montréal, on compte Curling de Denis Côté (dont le film Carcasses avait été présenté l’an dernier à la Quinzaine) et Journal d’un coopérant de Robert Morin, qui prend l’affiche au Québec la semaine prochaine.

Incendies, de Denis Villeneuve, d’après la pièce de Wajdi Mouawad, sera présenté aux sélectionneurs de la compétition officielle et de la Quinzaine des réalisateurs la semaine prochaine à Paris. Verdict autour du 20 avril.