La presse française la surnomme encore la «môme» Marceau. À 43 ans, 30 ans après le succès monstre de La boum, qui l'a propulsée au rang de vedette populaire, les Français gardent encore d'elle l'image de l'adolescente rebelle et romantique du film de Claude Pinoteau. 

Pour son public, Sophie Marceau aura toujours, d'une certaine manière, l'âge de Vic, le personnage qui l'a révélée. Même si dans LOL (Laughing Out Loud, en acronyme web), qui prend l'affiche vendredi au Québec, elle interprète la mère d'une adolescente rebelle et romantique de 16 ans, prénommée Lola (Christa Theret).

«Je crois que c'est lié à quelque chose qui me dépasse, me confie l'actrice au téléphone. Ses 13 ans, on ne les oublie jamais. C'est le premier baiser, c'est La boum. LOL, c'est déjà l'étape supérieure, mais La boum, c'était encore l'enfance. On n'était pas encore dans le monde adulte. On découvrait l'amour dans tout ce qu'il a d'épuré et de pas dangereux. Même si ça fait souffrir, il n'y a pas la sexualité, qui veut dire beaucoup et qui change beaucoup les choses. Je rappelle aux gens leurs 13 ans, alors ils ont avec moi un rapport nostalgique. Ils m'ont vue grandir. Je fais partie un peu de leur histoire. D'ailleurs, très souvent, les gens me racontent leur histoire et leur vie. J'adore ça.»

LOL, réalisé par Lisa Azuelos, aurait pu s'intituler La boum 3, tellement la filiation est évidente. C'est une comédie romantique pour adolescents, polie et conventionnelle, classique à tous points de vue - l'antithèse, d'une certaine façon, des Beaux gosses - qui a remporté un énorme succès populaire en France l'an dernier (presque 4 millions d'entrées). Un succès qui n'est sans doute pas étranger à la présence au générique de Sophie Marceau, alias «l'actrice préférée des Français».

«Quand un film qui s'adresse aux jeunes est reconnu par ces jeunes en question, c'est vachement bien, dit l'ex-Bond Girl (The World Is Not Enough). Et ça fait plaisir d'avoir un succès. Je ne vais pas vous dire que je suis indifférente à ça, pas du tout. Mais, comment dire... Je suis heureuse quand les gens aiment le film. C'est pour moi le plus important. Je ne fais pas de la démagogie. Il y a des films que les gens vont voir comme des moutons, sans réfléchir. Ils en sortent souvent déçus. Ça m'embêterait. LOL a été un super succès populaire. Je suis contente pour Lisa, mais pour moi ça ne change pas tellement grand-chose.»

A-t-elle eu l'impression, 30 ans plus tard, avec ce film qui s'adresse en parallèle aux adolescents et à leurs parents, de boucler la boucle de La boum? «Je vais vous étonner, dit-elle. C'est vrai que c'est peu vraisemblable, mais en lisant le scénario, je n'ai pas une seconde pensé à La boum. Ce n'est qu'après, qu'effectivement, j'ai fait le lien. Mais je n'ai rien bouclé du tout. C'est une continuité. Je suis dans ma lancée. J'étais une petite fille il y a longtemps. J'ai maintenant moi-même une petite fille et c'est génial. Un jour, elle me fera des petits-enfants. La boucle, je la bouclerai quand j'irai dans l'au-delà! (rires)»

Le parcours d'actrice de Sophie Marceau est inconstant: bons et mauvais films se côtoient dans une filmographie sans apparente ligne directrice. Elle a tenté l'expérience hollywoodienne (Braveheart de Mel Gibson, notamment), a tâté du cinéma d'auteur avec son premier mari Andrzej Zulawski (quatre longs métrages) et est même passée derrière la caméra (Parlez-moi d'amour, prix de la mise en scène au Festival des films du monde en 2002, et La disparue de Deauville, également présenté à Montréal en 2007).

C'est à l'occasion du tournage de ce deuxième film qu'elle a rencontré son compagnon actuel, Christophe Lambert, avec qui elle partage l'affiche de L'homme de chevet, présenté récemment au Festival du film de l'Outaouais. Rencontré il y a quelques semaines, à l'émission de Christiane Charette, Christophe Lambert avouait se laisser facilement convaincre par un rôle et un scénario, contrairement à Sophie Marceau.

«Christophe est très impétueux. Il s'emballe. C'est quelqu'un de très spontané. Il ne voit ni la malice ni le danger, confirme sa compagne. Christophe et moi, on a deux caractères bien différents. Lui, il a choisi d'être acteur. Moi, je n'ai pas choisi d'être actrice. Donc il faut vraiment me convaincre pour que je fasse un film, qu'on me fasse la cour un peu...»

Ce rapport de séduction est indissociable de l'image de Sophie Marceau. Comme cette façon, toute juvénile, qu'elle a de se mordre la lèvre inférieure. Elle est l'équivalent de la «belle d'Ivory» française, saine et rayonnante, depuis longtemps l'objet du désir des hommes (ses seins ont inspiré deux chansons célèbres - d'Alain Souchon et de Julien Clerc - qui ont soulevé l'ire de l'actrice).

Elle vieillit avec grâce, et avec un certain recul par rapport à ce métier qu'elle ne s'est jamais gênée pour critiquer. Être actrice, plus difficile qu'être acteur? «Je pense que déjà, en tant que femme, on se positionne autrement. Je pense que les hommes, quelque part, le monde leur appartient plus. Ils en font plus partie donc ils peuvent y aller. Ils se comprennent entre eux, il y a des codes. Au cinéma, c'est vrai que les hommes ont des rôles plus évidents, d'une certaine façon. Plus clairs, plus simples, donc plus faciles à attaquer. Nous les femmes, il y a toujours des trucs sur lesquels on hésite. Ce n'est pas tout à fait au point, il faut en discuter, c'est déjà plus compliqué...»