Kim Nguyen l’a prédit: son plus récent film, La cité, ne fera pas consensus. «On adhère ou l’on n’adhère pas», a-t-il répété en entrevue.

Je me trouve entre ces deux pôles, à me demander depuis quelques jours ce qui m’a déplu dans ce troisième long métrage du cinéaste du Marais et de Truffe. Je n’y suis pas resté indifférent, ce qui me semble déjà une qualité.

Elle est belle, cette Cité. On ne saurait dire le contraire. Dans le contraste de ses couleurs éclatantes, pierres de sable doré sur fond azur.

Dans le traitement de l’image et la direction photo. Dans l’attention portée à la réalisation. Encore que j’ai trouvé la mise en scène tellement soignée qu’elle m’a paru par moments envahissante. Profusion de cadres et d’effets ne masquant pas, au final, les flottements du récit.

Désincarné. C’est le mot que je cherche depuis le début de la semaine. Un mot dur, qui a peut-être davantage à voir avec ma propre perception du film qu’avec le film lui-même.

La cité, tourné en plein désert tunisien, affiche sans complexe ses ambitions internationales.

On y traite des tensions du colonialisme en Afrique du Nord à la fin du XIXe siècle, avec force métaphores. Cette cité où se trouvent assiégés les Hérénites, un peuple berbère sous le joug français, pourrait avoir été située à l’époque contemporaine, en Irak, en Cisjordanie ou ailleurs.

C’est une fable inspirée des archétypes du western, note Kim Nguyen, mais aussi, à l’évidence, de La peste de Camus et de l’actualité internationale des 10 dernières années. Un film sur la haine et l’intolérance, l’injustice et l’ignorance, l’entraide et le pardon.

C’est aussi un film québécois qui masque sa québécitude dans un aplanissement mondialiste, à l’image de l’accent emprunté de Claude Legault (trop retenu et engoncé dans un français international pour donner toute la mesure de son talent).

Ici, je mets le doigt sur ce qui m’a dérangé, davantage encore que les lourdeurs du récit: le format sans aspérités culturelles de la fable universelle. La cité manque de personnalité, de ce supplément d’âme.

Réaction typique du critique québécois trop habitué de sentir le Québec dans son cinéma national et ne sachant accepter une convention de jeu où Claude Legault parle à la française? Crisse, ça se peut.

Le Canada ne se peut plus

Le Canada ne se peut plus d’attendre: la voici, la voilà. La 30e soirée des Prix Génie aura lieu lundi soir, à 21 h, à Toronto. Il sera même possible de la suivre en direct, à la télévision, à condition d’être abonné au troisième palier du câble (manière de parler) donnant accès au Independent Film Channel (ou de se gosser pour l’occasion une soucoupe avec un vieux fond de rond de poêle en aluminium).

Je sais de quoi je parle: je suis l’un des quelques milliers d’abonnés au pays d’IFC, par ailleurs une chaîne fort intéressante. Que les abonnés du «câble classique» soient rassurés: il sera possible, à une date «ultérieure» qui n’a pas encore été définie, de revoir les meilleurs moments de ce gala des Prix Génie en rediffusion sur la chaîne payante The Movie Network. Ô le suspense. Quand on connaît tous les lauréats, une soirée de ce type s’apprécie d’une tout autre manière.

Mais où diantre est Radio-Canada, dont l’un des mandats est de promouvoir la culture canadienne? se demandent certains. Non, la télévision publique n’a pas abandonné l’équivalent canadien des Oscars (sans le strass, les paillettes et l’attrait populaire). La CBC présentera l’événement en direct sur son site internet et diffusera, l’automne prochain, un condensé des meilleurs moments des 30 années des Prix Génie. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Même six mois plus tard.

D’ici là, le public canadien aura tout le loisir de se familiariser avec les films nommés dans les catégories de pointe (sarcasme), de découvrir – ô surprise – qu’il existe une telle chose qu’un cinéaste canadien, d’apprendre que Polytechnique n’est pas une biographie de Jan Wong et que la blonde Québécoise qui a présenté un prix lundi se nomme Caroline Néron. Non, elle n’est pas comédienne, mais bijoutière.

Y aura-t-il quelqu’un au Canada anglais pour s’offusquer que J’ai tué ma mère de Xavier Dolan, sacré meilleur film québécois de l’année à la Soirée des Jutra, n’ait reçu aucune nomination à la soirée des Génie? Who the hell is Xavier Dolan?