Filière 13 de Patrick Huard doit prendre l'affiche le 4 août. J'ai vu cette comédie policière hier. Disons, pour être bref, que Huard devra passer par une autre filière (s'cusez-la, elle est de circonstance) s'il espère un jour aller chercher un Oscar sur Hollywood Boulevard. N'est pas Scorsese qui veut.

Claude Legault tient la vedette aux côtés de Guillaume Lemay-Thivierge et Paul Doucet (pour un rappel de la distribution des 3 p'tits cochons du même Huard), dans ce buddy flick burlesque, sorte de croisement de Stakeout (pour la filature) et de J'en suis (pour le raffinement humoristique).

Claude Legault est un acteur de grand talent. Il mérite pleinement son succès. Aussi, il n'est pas étonnant que l'on fasse souvent appel à ses services au cinéma québécois. En plus d'incarner le personnage principal de Filière 13, on le verra d'ici un mois dans Y en aura pas de facile, de Marc-André Lavoie (Bluff), et à l'automne, dans 10 1/2 (écrit par Claude Lalonde, coscénariste de Filière 13), son deuxième film cette année avec le réalisateur Podz (Les 7 jours du talion).

Je parle de Claude Legault, mais j'aurais pu parler de Rémy Girard ou de Michel Côté. Nos grands acteurs de cinéma, ceux que l'on voit régulièrement au grand écran. Ils inspirent cette question récurrente, qui mérite néanmoins d'être posée: pourquoi voit-on souvent les mêmes comédiens au cinéma québécois?

Une partie de la réponse tient bien sûr au talent des interprètes les plus souvent sollicités. Un cinéaste ne se trompe jamais avec Rémy Girard. Il y a pourtant quantité de comédiens québécois, talentueux mais moins connus, que l'on ne voit jamais au cinéma. Pourquoi donc? Une autre partie de la réponse tient à mon sens au phénomène de «hollywoodisation» de notre cinéma national.

Des exemples de cette hollywoodisation? Depuis cinq ou six ans, les acteurs de cinéma québécois donnent plus rarement de simples entrevues; ils participent à des «junkets», des «tables rondes» ou des conférences de presse, comme Leonardo DiCaprio ou Gwyneth Paltrow à Beverly Hills.

La moindre sortie de film québécois est désormais précédée d'une soirée «tapis rouge» (même pour la version doublée au Québec d'un film d'animation américain) et d'une longue campagne de promotion. Surtout, l'industrie du cinéma table sur des vedettes pour assurer le succès de ses films (ironiquement, Hollywood constate de plus en plus que ses stars ne sont plus garantes d'un bon box-office).

C'est ainsi que des cinéastes se font suggérer d'embaucher tel ou tel acteur, ou telle ou telle actrice - lorsque le réflexe n'est pas conditionné - pour s'assurer d'un financement adéquat auprès des bailleurs de fonds. On mise sur la notoriété d'un comédien afin de susciter un intérêt auprès du public, parfois au détriment d'un scénario ou de la crédibilité d'un récit.

Les acteurs n'y sont pour rien. On ne peut leur reprocher de travailler. Mais la tendance de l'industrie à faire «comme Hollywood» a parfois pour résultat d'offrir une vision étriquée, à la fois de la réalité et du paysage artistique.

Claude Legault, sans vouloir m'acharner sur lui - c'est un homme parfaitement charmant - était aussi de la distribution de La cité, de Kim Nguyen, ce printemps. Il y interprétait un militaire français, avec un accent emprunté qui semblait limiter son jeu. Je n'y ai pas cru. À cause de l'accent, mais aussi parce qu'on voulait me faire passer Claude Legault pour un Français. On aurait pu, il me semble, faire appel à un acteur français moins connu (malgré les conventions de coproduction) pour jouer un militaire français. Des acteurs français, il y en a même au Québec.

De la même manière, j'ai trouvé fort étrange de voir, et d'entendre surtout, Sophie Prégent jouer la compagne française de Robert Piché dans le film inspiré de la vie du pilote du fameux vol 236 d'Air Transat. Je ne suis pas le seul. Sophie Prégent est une excellente comédienne, et on ne la voit pas assez au cinéma, mais il y avait là à mon avis une erreur de casting flagrante. A-t-elle été choisie parce qu'on a cru qu'elle serait plus susceptible d'attirer le public au cinéma qu'une actrice inconnue? J'ose espérer que non.

Le Québec, c'en est presque un cliché, compte sur un bassin d'acteurs extraordinaires. De tous les âges, de tous les types. Il suffit d'aller au théâtre pour s'en rendre compte. Le milieu du cinéma, c'est un euphémisme, ne profite pas de cette manne. Il est peut-être trop occupé à surveiller ce qui se passe au sud de la frontière.