Le 34e Festival des films du monde de Montréal a été lancé hier soir. Pour moi, il s'agit du 27e. Les choses ont évidemment changé depuis l'époque où je me suis retrouvé pour une première fois - c'était en 1983! - à jouer du coude pendant les vacances afin d'accéder aux séances réservées à tous les grands films internationaux attendus.

Bien des courts et longs métrages ont défilé leurs bobines depuis. Le monde a changé. Le circuit des festivals aussi. Tout autant que la position du FFM sur l'échiquier international. Inspiré par un exercice auquel s'est récemment livré mon distingué collègue de The Gazette Brendan Kelly, je me suis mis à faire le bilan de ma relation amoureuse - maintenant très fragile - avec ce festival.

Cinq choses que j'aime

1) Le point de rencontre des communautés culturelles de Montréal. Le FFM s'est toujours fait un point d'honneur de bien servir nos concitoyens venus d'ailleurs en leur offrant la possibilité de prendre des nouvelles de leur pays d'origine à travers des films qui, autrement, ne trouveraient jamais de place sur nos écrans. Ce public est fidèle au FFM depuis le début.

2) Le plaisir de la découverte. C'est vrai, l'accès aux productions de prestige attendues est aujourd'hui beaucoup plus difficile qu'il y a 20 ans pour le FFM. Les révélations de style Ben X ou Okuribito se font plus rares. Mais cette possibilité existe toujours. Quand elle se concrétise, c'est encore aussi grisant.

3) Le cinéma à la belle étoile. Contrairement à la plupart des oeuvres présentées en salle, les titres sélectionnés pour ces séances sont de grands films populaires qui rallient public et critique. Étonnamment, les conditions de projection sont habituellement très recommandables. Et l'ambiance bon enfant évoque le plaisir collectif d'une représentation au cinéma.

4) Tout est ouvert. À quelques exceptions près, le public du FFM peut avoir accès à toutes les activités organisées dans le cadre du festival, y compris assister aux conférences de presse si ça lui chante. Probablement le seul événement du genre au monde où les cinéastes sont appelés à s'exprimer sur leur art au beau milieu d'un centre commercial!

5) Le tandem Losique/Cauchard. Non, ne riez pas. Même si les relations sont souvent tendues entre la direction du FFM et les médias, il reste qu'on ne peut que s'incliner devant l'entêtement - et la dévotion - d'un tandem qui a survécu à l'usure, aux rapports peu conciliants, aux études dévastatrices, au recul incontestable du rayonnement de son festival sur le plan international, à la concurrence, et même à un putsch!

Cinq choses que j'aime moins

1) Trop de films. Comptant cette année 430 productions, dont près de 300 longs métrages, la programmation du FFM donne souvent l'impression d'être un immense fourre-tout où l'on sélectionne n'importe quoi. D'autant que, contrairement aux autres grands festivals du monde, le mode de fonctionnement du comité de programmation reste bien obscur. Qui choisit quoi? Quelles sont les responsabilités distinctes de chacun des membres du comité de sélection? Mystère.

2) Depuis 33 ans, la formule du FFM n'a pas évolué d'un iota. Cette obstination à ne pas vouloir confronter la nouvelle réalité, ni remettre en question la vocation du festival, contribue à sa décroissance. Cette formule immuable ne favorise en rien un renouvellement potentiel de son public.

3) Ce n'est pas qu'on souhaite nécessairement des soirées jet-set où tout le gratin international pointe le bout de son nez poudré. Mais quand le quartier général d'un événement d'envergure internationale dégage l'atmosphère d'un salon funéraire plutôt que celle d'une fête du cinéma, peut-on dire qu'il existe un léger problème?

4) Trop de films demeurent encore inaccessibles au public francophone. Ce problème a été réglé du côté de la compétition grâce au sous-titrage électronique, mais il reste entier dans les sections parallèles.

5) Le tandem Losique/Cauchard. L'envers des qualités de persévérance et d'entêtement évoquées plus haut: des déclarations à l'emporte-pièce, souvent teintées de mauvaise foi, et une propension à établir des relations intempestives avec tous ceux - organismes subventionnaires, médias, festivals concurrents - qui osent se poser sur son chemin ou remettre en question son leadership.

La valse des jambettes

Il n'y a pas si longtemps dans un talk-show, l'un des animateurs de la Soirée des Jutra Normand Brathwaite constatait «qu'il n'y avait pas beaucoup d'amour» dans la grande famille du cinéma. On peut en dire autant de la belle famille des festivals. Toronto a annoncé sa sélection canadienne (riche de nombreux films québécois) le même jour où le FFM annonçait sa programmation. Pas très chic.

De son côté, le Festival du nouveau cinéma, grand rival montréalais du FFM, a déjà annoncé ses films d'ouverture et de clôture, et Cinémania se collait à notre bon souvenir en rappelant les dates - en novembre - de la tenue de ce festival voué au cinéma francophone. Le FFM a répliqué dès le lendemain en s'autoproclamant «champion incontestable de la francophonie», oubliant au passage que tout n'est pas qu'une question de quantité. Même le Festival SPASM est entré dans la valse des jambettes avec une annonce.

Allez, tout le monde dans le char. On s'arrête au bord d'un champ, on baisse nos culottes pis on vise la «canisse de bines» vide qui est là-bas. Ce sera plus simple. Go.