Triste, Venise? Au temps des amours mortes, peut-être. Mais pas ces jours-ci. Il est vrai que je suis dans l'enthousiasme de la première fois. La Mostra commençant une semaine après le FFM et se poursuivant au moment où le Festival de Toronto s'amène à son tour, la presse québécoise et canadienne ne vient jamais s'épancher sur la lagune, trop occupée à couvrir «ses» événements. Il aura fallu la sélection d'Incendies, nouveau film de Denis Villeneuve, pour que j'aie l'occasion d'un baptême vénitien.

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Bien sûr, il y a les films. Une compétition relevée - Aronofsky, Tran Anh Hung, Schnabel, Sofia Coppola, Kechiche, Ozon et bien d'autres - au terme de laquelle un jury présidé cette année par Quentin Tarantino attribuera un Lion d'or. De l'avis général, le cru s'annonce bon. Même les journalistes italiens le disent.

Mais il y a aussi le cadre dans lequel se déroule le plus ancien des festivals de cinéma. Ceux qui débarquent ici pour la première fois ne peuvent faire autrement que d'être subjugués par la beauté des lieux, l'atmosphère, les gens, la bouffe, les glaces italiennes...

D'abord, trouver ses marques. Chaque festival ayant son propre mode de fonctionnement, je n'aurai probablement pas le temps d'en maîtriser toutes les subtilités en quelques jours. Cela dit, Venise est relativement simple à gérer pour un festivalier. Les activités sont presque toutes concentrées en un seul quartier, dans des endroits tous plus spectaculaires les uns que les autres.

La Mostra a repris de son lustre depuis quelques années, mais le directeur artistique, Marco Müller, à qui l'on attribue le nouvel éclat de la Mostra depuis son entrée en fonction en 2004, reconnaît que les effets de la crise économique se font ressentir partout sur le circuit des festivals. «Un festival de cinéma est aussi le reflet de son époque, a-t-il déclaré. Et notre époque est en pleine mutation. Les films disposant de budgets marketing importants n'ont plus besoin des grands festivals, et je dirais que l'inverse est aussi vrai. Ça ne vaut pas vraiment la peine d'avoir une grande star si elle ne vient que pour donner une conférence de presse de 30 minutes et déguerpir tout de suite après.»

Le Montréalais trouvera un peu ironique le fait que la 67e Mostra de Venise se déroule alors que de grands projets de construction et de rénovation sont en cours, notamment au Palazzo del Cinema. Les organisateurs ont au moins eu l'élégance de cacher ces chantiers à la vue des passants, évitant ainsi de donner au Lido les allures d'une ville sinistrée.

J'avoue avoir souri quand j'ai repensé à ma conversation survenue la veille de mon départ avec un invité du FFM venu d'ailleurs. Qui me disait avoir, de son hôtel, une vue imprenable sur «Ground Zero», le chantier du Quartier des spectacles. «Mais il paraît que ce sera terminé dans six mois et que ce sera magnifique!»

À mon arrivée dans la Cité des Doges, béat d'admiration devant tout, je me suis dit que la candeur est vraiment l'une des plus belles qualités de l'étranger...

Adieu Corneau

Nouvelle triste et inattendue: le cinéaste Alain Corneau est mort. Je garde en souvenir de très beaux moments de conversation avec cet homme charmant, grand amoureux de l'Amérique, et dont les champs d'intérêt étaient aussi très éclectiques. Je garde en souvenir ses films aussi. Tous les matins du monde, bien sûr. Et Nocturne indien. Mais il est deux titres moins connus qui, à mon avis, méritent d'être revus: Série noire, dans lequel Patrick Dewaere offre l'une des performances les plus troublantes de sa carrière, et Le cousin, un polar avec Patrick Timsit et Marie Trintignant, qui aurait mérité à mon avis un plus beau succès. Le tout dernier film d'Alain Corneau, Crime d'amour, a pris l'affiche en France près de trois ans après l'échec du Deuxième souffle, projet ambitieux qui, chez nous, a pris directement le chemin des vidéoclubs tellement l'échec fut sans appel. J'en avais d'ailleurs discuté avec lui.

«Il est certain que je n'ai pas bien vécu cet échec, m'avait-il alors confié. Mais cela fait partie de la vie d'un cinéaste. Un film, c'est un peu comme une machine à sous avec ses trois rouleaux: il y a le film, il y a la presse, et il y a le public. Il est difficile d'avoir les trois à la fois et de frapper le jackpot. J'avoue que, cette fois, l'échec a été particulièrement dur à prendre, car j'ai rêvé de ce film depuis très longtemps. J'ai toutefois assez d'expérience pour savoir qu'il n'y a aucune justice dans ce domaine. Je suis quand même très heureux d'avoir fait Le deuxième souffle. Je ne l'ai jamais regretté. Un échec de cette envergure n'est pas facile à vivre, mais je ne suis pas du genre à pleurer. Je ne peux pas non plus rejeter la faute sur autrui, d'autant que le distributeur a très bien fait son travail. À partir du moment où un film a eu droit à sa vraie chance, que voulez-vous qu'on fasse? La seule chose qui me console un peu, c'est que les films de genre sont souvent révélés plus tard. Encore faut-il qu'ils marchent quand même un peu au départ...»