Inspiré par un article qu'avait rédigé mon collègue de The Gazette Brendan Kelly peu avant la tenue du Festival des films du monde de Montréal, j'avais relevé il y a deux semaines ce qui, selon moi, constitue les points forts et les points faibles de la manifestation montréalaise.

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Même si je fréquente le Festival de Toronto depuis moins longtemps, je m'y suis quand même rendu assidûment au cours de la dernière décennie. Bien que le Toronto International Film Festival (TIFF) et le FFM ne jouent plus du tout dans la même ligue - l'un est un grand festival d'envergure internationale et l'autre ne dispose désormais que d'un rayonnement municipal -, force est d'admettre qu'une organisation grandiose comme celle du TIFF comporte inévitablement aussi ses irritants.

Cinq choses que j'aime

> La programmation du TIFF est extrêmement riche et variée, et constituée de films très attendus, primeurs automnales ou oeuvres de prestige ayant déjà été montrées au Festival de Cannes. Trois cent trente-neuf productions, dont 258 longs métrages, c'est évidemment trop. Mais il n'y a ici que du bon (ou presque). Alors...

> L'organisation. Le rôle de chaque sélectionneur est bien défini, la ligne directrice est claire, et chaque film fait l'objet d'un choix que peut justifier celui ou celle qui l'a inscrit dans son programme. Tous les sélectionneurs demeurent accessibles et plusieurs d'entre eux rédigent eux-mêmes les articles qu'on peut lire dans le catalogue. Ça nous change de la technique du «copier-coller» tirée de sites internet obscurs...

> La présence sur place de tous les artisans. Pendant 10 jours, des intervenants du milieu du cinéma venus du monde entier - cinéastes, producteurs, acteurs, distributeurs, vendeurs et acheteurs - convergent vers la Ville reine. Le rendez-vous torontois est incontournable et favorise les échanges. Un journaliste peut se faire ici des réserves d'entrevues pour une année entière s'il le souhaite.

> L'atmosphère. Malgré son gigantisme, le Festival de Toronto demeure quand même de dimension humaine. C'est-à-dire que tout reste dans les normes de la politesse et de la courtoisie. Pas de scandales, pas d'esclandres, les foules sont disciplinées (500 000 spectateurs l'an dernier, quand même!), et il y a ici un véritable respect envers le cinéma. Particulièrement, contrairement à ce que tout le monde croit, envers les films étrangers.

> La classe de ses dirigeants. Malgré les attaques et la désinformation venues du concurrent montréalais, la haute direction du TIFF - nommément Piers Handling - n'a jamais bronché. La «guéguerre» que tentent de perpétuer certains esprits chagrins, perdue depuis longtemps pour la métropole québécoise, ne trouve aucun écho au bout de la 401.

Cinq choses que j'aime moins

> Le premier week-end. Plus qu'à n'importe quel autre festival de cinéma, les premiers jours du TIFF sont chargés à un point où tout le monde court comme des poules sans tête. Les stars se bousculent, les rencontres de presse se déroulent toutes en même temps, et la frustration s'installe. Pendant ce temps-là, les bobines de quatre films incontournables que vous vous étiez juré de voir, programmés à la même heure, défilent inexorablement. Sans votre présence.

> La surenchère hollywoodienne. Depuis que les studios américains se sont rendu compte qu'il pouvait être rentable pour eux de lancer un film à Toronto, ils se déplacent ici en masse avec l'arrogance qu'on leur connaît. D'autant que le Canada - et le Québec, rappelons-le - fait partie du marché intérieur américain. Les hollywoodiens sont donc ici chez eux. Ils investissent la place et déploient une machine de guerre contre laquelle aucune direction de festival ne peut rien. Fort heureusement, ces gens déguerpissent habituellement après le premier week-end.

> L'absence de compétition. Dans l'esprit des professionnels du cinéma du monde entier, le TIFF fait indéniablement partie du carré d'as des grands festivals internationaux de cinéma avec Cannes, Berlin et Venise. Plusieurs le classent même bon deuxième après Cannes. Le TIFF ne pourra toutefois jamais s'inscrire de la même façon dans l'imaginaire des cinéphiles du monde entier tant qu'une compétition en bonne et due forme ne voit pas le jour. Cette formule hors concours ayant assuré le succès du TIFF jusqu'à maintenant, il y a cependant tout lieu de croire qu'il n'y aura jamais de section compétitive à Toronto.

> L'excès de patriotisme. On est fier d'être canadien et on le montre. Quitte à présenter en guise de film d'ouverture des trucs comme Passchendaele ou Score: A Hockey Musical. Des films médiocres sélectionnés uniquement pour fouetter le sentiment de fierté nationale. Il est vrai que les occasions se font très rares à ce chapitre dans le cinéma canadien anglais. Impact à l'international pour Passchendaele? Zéro. On peut prédire le même sort à la (très mauvaise) comédie musicale sur glace présentée hier soir.

> La gestion du temps. De tous les grands festivals, le TIFF est probablement le plus difficile à gérer tellement plusieurs films intéressants sont projetés simultanément. Intégrer à l'horaire les conférences de presse, les (nombreuses) interviews, et du temps alloué pour l'écriture relève de l'exercice de haute voltige. On en sort crevé mais content. En se disant qu'on ne changerait de place pour rien au monde.