Claude Chamberlan dirige depuis 39 ans la programmation du Festival du nouveau cinéma de Montréal. Nous avons contraint ce fou de cinéma, programmateur au flair légendaire et à l'esprit éparpillé, de choisir dix coups de coeur parmi les films qu'il a sélectionnés pour le FNC, qui s'ouvre mercredi et roulera jusqu'au 24 octobre. Même en faisant abstraction, pour des raisons évidentes, des films de la sélection internationale (qui concourent pour la Louve d'or), ce ne fut pas une mince tâche...

101/2, de Podz

«Je suis très fier de le présenter en première mondiale. Mais ce n'est pas pour ça que c'est le film d'ouverture. Il est très différent du premier film de Podz (les 7 jours du talion). Je ne m'attendais pas à ça. Disons que je me reconnais beaucoup dans le personnage du jeune garçon rebelle. Moi aussi, je suis déjà passé par des maisons de délinquance, mais pas aussi longtemps, et sans être aussi révolté que lui l'est en permanence. Le film est extrêmement bien fait. Le jeune acteur (Robert Naylor) est une révélation et Claude Legault est au sommet de son art.

Oncle Boonmee , d'Apichatpong Weerasethakul

«Ce qui me fait plaisir, ce n'est pas tant l'idée d'avoir la Palme d'or que de présenter ce film que j'ai adoré. Je l'ai vu à Cannes et j'en suis sorti soufflé, avec une drôle d'exaltation parce que c'est un film très zen. J'ai trouvé fantastique qu'on lui donne la Palme d'or. J'ai trouvé le jury hyper courageux. C'est un film pour lequel il faut être disponible. C'est un cinéaste que l'on suit au Festival depuis le début. On avait présenté Blissfully Yours (Prix Un Certain Regard à Cannes en 2002).»

Vous n'aimez pas la vérité: 4 jours à Guantánamo, de Patricio Henriquez et Luc Côté

«Un grand coup de coeur. Je trouve que c'est un film essentiel. Et je m'étonne qu'il n'ait pas été programmé à Toronto et Vancouver. La manipulation éhontée que l'on voit là-dedans, ça n'a pas de bons sens! Disons que ça ne fait pas de moi un plus grand fan du gouvernement conservateur...»

Carlos, d'Olivier Assayas

«J'ai eu un coup de coeur pour le film, dans sa version abrégée de 3h. J'ai hâte de découvrir la version de 5h30, que l'on présente au Festival et que je n'ai pas encore vue. Olivier est venu au Festival dès ses débuts. C'est quelqu'un de fascinant.»

Tournée, d'Mathieu Amalric

«C'est vraiment mon genre de film, et mon genre de cinéaste. J'étais tellement heureux qu'il parle des femmes rondes (membres d'une troupe de danseuses burlesque américaine). J'aurais voulu qu'il vienne avec toute sa distribution; on aurait fait une fête au Café Cléopâtre! Si j'avais les moyens, ce serait encore plus fou...Le film est fantastique et Mathieu Amalric (Prix de la mise en scène au Festival de Cannes) est super dans son rôle de manager.»

Solutions locales pour un désordre global, de Coline Serreau

«Je ne suis pas fan de tous les films de Coline Serreau (Trois hommes et un couffin, La Crise), mais je suis un grand fan de ce film-là, sur les changements climatiques. Elle a trouvé des personnages tellement éloquents. C'est direct, clair, limpide.»

Mutantes: Punk Porn Feminism, de  Virginie Despentes

«Je ne peux pas dire à quel point j'aime ça. C'est une réflexion fascinante sur la sexualité, la perversion, etc. Je suis très content que ce soit une femme qui l'ait fait, et pas seulement parce qu'on retrouve Annie Sprinkle (l'ex-star porno et «performeuse» de cabaret hard que Chamberlan avait fait venir à Montréal il y a une dizaine d'années). C'est un extraordinaire documentaire qui brasse la cage.»

King of the l'Est, de Simon Gaudreau

«Au Festival, on touche au territoire de la pensée, de la sensibilité, de l'esprit, alors on reçoit souvent des films communautaires. J'ai découvert ça. C'est un film que les jeunes, les gars comme les filles, doivent voir, sur des jeunes d'Hochelaga-Maisonneuve inspirés par un rappeur de 25-30 ans. Son discours n'est pas le cliché habituel autour de la dope, le sexe, l'argent, etc. Ce n'est pas BCBG non plus. C'est l'histoire d'un gars qui pousse des jeunes à faire du hip-hop. Il y a entre autres un jeune de 14 ans, brillant, qui est formidable là-dedans.»

Des hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois

«C'est un vrai phénomène en France, ce film-là (sur des moines trappistes enlevés en 1996). Xavier Beauvois ne le sait pas, mais il a déjà sauvé le Parallèle. Il était l'acteur de Ponette (de Jacques Doillon), qu'on a programmé longtemps au milieu des années 90 parce que le film était en demande et qu'on n'avait pas assez d'argent pour en diffuser un autre...»

Curling, de Denis Côté

«Je suis très heureux que ce soit le film de clôture. J'aime beaucoup ce que Denis fait (Elle veut le chaos, Carcasses). Et Emmanuel Bilodeau (en père qui coupe sa fille du monde pour la protéger) est aussi un gars que j'aime beaucoup. Il est excellent dans le film. J'ai été très heureux qu'il gagne le prix d'interprétation à Locarno. C'est un film à l'image de Denis, complètement débridé. J'adore ça.»