Depuis maintenant plus d'une semaine, le très beau film de François Delisle Deux fois une femme, en salle depuis le 25 octobre, est aussi disponible en VSD (vidéo sur demande)* sur la chaîne Illico et ce, jusqu'en janvier. Une première au Canada. Jamais un long métrage produit chez nous n'avait encore fait l'objet d'une présentation de cette nature, simultanée à une sortie traditionnelle en salle. Les films d'auteur, particulièrement ceux appartenant à la frange plus pointue de la cinéphilie, peuvent ainsi bénéficier d'une plateforme supplémentaire. En cette époque trouble où le nombre d'écrans dévolu au cinéma de création rétrécit comme peau de chagrin, que voilà une piste de solution bienvenue.

Il n'est toutefois pas dit que ce mode de diffusion s'implantera rapidement. Chez Fun Film, distributeur du drame de Delisle, on indique qu'il s'agit d'un essai. Il n'est pas question pour l'instant d'utiliser cette stratégie de façon systématique. D'ailleurs, aucun chiffre ne pouvait m'être fourni hier, car les rapports en ce domaine sont mensuels (plutôt qu'hebdomadaires comme ceux relevant les entrées en salle). Impossible, donc, de savoir combien de locations de Deux fois une femme ont été achetées jusqu'à maintenant sur Illico.

Un tour d'horizon rapide auprès de certains autres distributeurs me laisse toutefois croire que la prudence est de mise avant de voir en cette nouvelle plateforme une vraie planche de salut. Ce type de diffusion ne conviendrait qu'à un nombre plutôt restreint de productions. Le marché québécois ne comptant que sept millions de consommateurs, on voit mal comment les exploitants, particulièrement les indépendants qui opèrent en région, peuvent accueillir les bras ouverts l'arrivée d'un concurrent direct. C'est dire que la VSD peut ainsi servir de solution de rechange pour les films à rayonnement très limité (c'est le cas de Deux fois une femme), auxquels les spectateurs éloignés des grands centres n'auraient jamais accès autrement.

Aux États-Unis, ce principe motive en outre un distributeur spécialisé dans le cinéma indépendant et international comme IFC Films. Qui sera prêt à sacrifier une partie de son public new-yorkais en salle - traditionnellement le plus enclin à voir ses films - pour avoir la possibilité de rejoindre en même temps, partout sur le territoire américain, un plus grand nombre de cinéphiles.

Évidemment, on parle là-bas d'un territoire comptant plus de 300 millions d'habitants. Le distributeur a ainsi la possibilité de compenser la baisse de fréquentation dans les quelques salles où son film est présenté (si baisse il y a) par les revenus que la VSD génère partout ailleurs au pays, même s'il s'agit d'un marché très spécialisé. La réalité québécoise étant tout autre, il faudra voir si un distributeur acceptera de prendre le risque de voir le box-office de son film diminuer à Montréal ou à Québec afin de proposer simultanément le même titre en VSD. Pas sûr. D'autant que nous accusons présentement du retard en ce domaine. Les revenus générés chez nous par les films disponibles en vidéo sur demande seraient faméliques.

N'empêche que tout cela reste riche en promesses.

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* traduction de VOD (Video on demand).