De l'avis général, la rencontre cinématographique entre Angelina Jolie et Johnny Depp dans The Tourist génère à peu près autant d'étincelles qu'un pétard mouillé. Zéro passion, zéro intérêt. On aurait tenté d'allumer un brasier au beau milieu d'une tempête de neige en frottant deux bouts de bois trempé qu'on en arriverait à peu près au même résultat. Deux vedettes dotées individuellement d'un charisme indéniable ne forment pas obligatoirement un bon couple de cinéma une fois réunies. Voilà bien l'une des vérités les plus inexplicables, les plus intangibles. Comment trouve-t-on la bonne formule chimique entre deux individus devant une caméra?

Barbra Streisand et Robert Redford n'en ont aucune idée non plus. Pourtant, leur rencontre sur grand écran dans The Way We Were (Sydney Pollack, 1973) est passée à l'histoire. Il y a quelques semaines, Oprah Winfrey, à mi-chemin de sa «saison d'adieu», a reçu les deux légendaires héros du film sur son plateau. Rencontre rare. Dans la mesure où les deux stars - Redford a toujours été d'une nature très discrète - n'avaient jamais accordé d'interviews ensemble auparavant. Même à l'époque de la sortie du film.

«Je pensais alors que je ne pourrais jamais placer un mot!», a fait remarquer Redford d'entrée de jeu. «Vrai!», a rétorqué la «Funny Girl» avant de répondre ensuite sans même s'en rendre compte à une question qui ne lui était pas destinée!

Trente-sept ans après sa sortie, The Way We Were tient encore magnifiquement la route. Le scénario, excellent au départ, fait écho à une histoire d'amour sur fond de maccarthysme et d'idéalisme politique. Le drame - d'un romantisme fou, mais exempt de tout sentimentalisme gnangnan - bénéficie grandement aussi du supplément d'âme qu'apportent les acteurs. Les gestes, les regards, les hésitations... Quand Redford est arrivé sur le plateau d'Oprah pour surprendre Barbra Streisand, tout le monde a retenu son souffle tellement le moment était historique. Et nous ramenait instantanément le souvenir d'un film encore présent dans le coeur de bien des gens.

Pourtant, tout le langage corporel du fondateur du Festival de Sundance ne traduisait rien de l'évidente complicité que les deux têtes d'affiche ont partagée à l'écran. Acteur fétiche du regretté Sydney Pollack, avec qui il a tourné pas moins de sept longs métrages, Robert Redford a raconté avoir même refusé le rôle plusieurs fois avant de consentir finalement à prêter ses traits à Hubbell Gardiner, ce militaire de service pendant la guerre devenu ensuite écrivain et scénariste. «Dans les premières versions du scénario, le personnage était unidimensionnel et bien trop lisse, a expliqué l'acteur. À l'époque, je ne voulais pas non plus me retrouver coincé dans un stéréotype. Il fallait que le personnage ait des failles pour qu'il soit intéressant. Et non pas seulement être une poupée Ken!»

Pour employer un cliché, la magie a visiblement opéré entre les deux monstres sacrés. D'éclatante façon. Même si, d'évidence, le film n'a pas dans l'esprit de Redford la même importance que lui accordent sa partenaire ou les spectateurs, il reste que The Way We Were est l'un des plus beaux fleurons de sa carrière d'acteur. Ironiquement, le réalisateur d'Ordinary People n'a jamais vu la version finale d'un film qui a contribué à en faire une figure légendaire du septième art. En cela, il rejoint Johnny Depp, qui ne voit jamais ce qu'il tourne non plus. Ben cou'donc.

Bientôt les Golden Globes

L'annonce des nominations de la prochaine remise des Golden Globes a provoqué un certain émoi au Québec. Les membres de la Hollywood Foreign Press Association - ils ne sont même pas une centaine - n'ont pas retenu Incendies dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. C'est dommage. Mais il ne faut pas conclure que les chances de Denis Villeneuve de décrocher une invitation au bal des Oscars sont anéanties pour autant. Premièrement, le mode de sélection n'est pas du tout le même. Ensuite, on ne relève que trois titres retenus pour les Golden Globes dans la catégorie pouvant aussi concourir aux Oscars. Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois représente la France aux Academy Awards (et non Le concert); La Prima Cosa Bella de Paolo Virzi en fait de même pour l'Italie (plutôt que I am Love).

En fait, pour avoir une idée plus juste de l'allure que prendra la prochaine course aux statuettes dorées, il vaut mieux s'attarder aux annonces que feront les différentes associations professionnelles au cours des prochains jours. La Screen Actors Guild (le syndicat des acteurs) a d'ailleurs dévoilé ses sélections hier. L'influence démesurée de quelques correspondants étrangers en poste à Hollywood, parmi lesquels certains écrivent pour d'obscures publications, est ainsi fortement remise en question dans les milieux professionnels et journalistiques, d'autant plus que leur crédibilité s'amenuise d'année en année. Trois nominations pour The Tourist? Z'êtes sérieux là?

Sur le plan de la cérémonie, les organisateurs des Golden Globes produisent toutefois le meilleur gala. Les stars du cinéma et de la télé se bousculent sur le parquet et évoluent dans une atmosphère détendue et bien arrosée. L'humour caustique - et très british - de Ricky Gervais, animateur allumé, fait aussi merveille dans ces circonstances. Le 16 janvier, on regardera les Golden Globes pour le show. Pas pour les prix.

Ce billet fera relâche jusqu'au 4 février.