Il ne se passe rien dans le nouveau film de Sofia Coppola. Ce n’est pas ce qui m’a le plus séduit dans Somewhere, à l’affiche vendredi prochain. Avec ce film languide et minimaliste, la cinéaste de Lost in Translation distille à nouveau ses observations subtiles et ironiques sur la vie (pas toujours trépidante) des gens riches et célèbres.

La thématique des films de Sofia Coppola est récurrente. De The Virgin Suicides, premier long métrage d’une grande fraîcheur adapté du roman de Jeffrey Eugenides, à Somewhere, qui s’attarde aux errances d’une vedette de cinéma au mitan de la vie, la jeune cinéaste s’est toujours intéressée à l’isolement des cages dorées.

Elle a trouvé un état de grâce, en 2003, avec Lost in Translation, qui lui a valu l’Oscar du meilleur scénario. Cette rencontre dans un hôtel de Tokyo entre un vieil acteur fané (Bill Murray) et une jeune Américaine taciturne (Scarlett Johansson), enveloppée de mystère et de tension érotique, a révélé Sofia Coppola au grand public. Ce qui lui a permis de devenir la troisième femme, après Lina Wertmüller et Jane Campion, à être finaliste à l’Oscar de la meilleure réalisation.

Le talent immense de la cinéaste se confirmait déjà, à 32 ans, dix ans après la fin abrupte de sa carrière vacillante d’actrice (pour les films de Francis Ford Coppola, essentiellement). Écorchée par la critique pour son rôle de Mary Corleone dans le troisième volet – décevant – du Parrain, Sofia Coppola a trouvé sa vocation derrière plutôt que devant la caméra, à l’instar de son père et de son mari Spike Jonze, de qui elle s’est séparée en 2003.

Si elle s’est égarée sur les traces de Marie-Antoinette (2006), une œuvre agaçante, agonisante d’ennui, montée comme une pâtisserie trop sucrée, Sofia Coppola retrouve ses marques grâce à Somewhere. Passant d’un château à un autre, de Versailles au mythique Château Marmont de Los Angeles – l’hôtel de tous les excès du gratin hollywoodien –, elle pose à nouveau un regard d’une grande acuité sur une réalité qu’elle connaît fort bien.

Somewhere, qui lui a valu d’être la première femme américaine à remporter le prestigieux Lion d’or au dernier Festival de Venise, est une tranche de vie à la manière de Lost in Translation. Celle d’un autre acteur hollywoodien, le vague à l’âme, trouvant refuge dans un hôtel.

Johnny Marco (Stephen Dorff, un acteur de série B quasi oublié), une vedette de films d’action, se promène en Ferrari, boit de la bière, fume des cigarettes, collectionne les femmes et se gave de pilules. Visiblement dépressif, il habite une suite du Château Marmont, oublie ses rendez-vous avec sa fille qu’il voit trop rarement, et est obsédé par les paparazzis. Fin du synopsis. Non, la vie de star n’est pas toujours rose.

Ce film, du reste, l’est beaucoup moins que celui qui l’a précédé. Le rythme, délicieusement indolent et mystérieux, contemplatif et vaporeux, est typique du cinéma de Sofia Coppola. Comme le sont ses observations fines et caustiques sur les rouages du star-système: les petites hypocrisies, les privilèges, les attentions obséquieuses des «entourages», les questions tour à tour niaises et philosophiques des journalistes...

On savoure les répliques assassines, les parts d’ombre magnifiées à la loupe, le réalisme cruel, les apartés cocasses, les longs silences, la bande sonore signée Phoenix (groupe de l’amoureux de la cinéaste, Thomas Mars) et la présence lumineuse de cette jeune fille (Elle Fanning) qui insuffle un peu de vérité à un monde de faux-semblants.

Somewhere n’a sans doute pas la grâce de Lost in Translation, auquel il fait inévitablement penser, et témoigne peut-être des limites du registre de la cinéaste. Qu’importe. Sofia Coppola creuse avec brio le sillon d’un cinéma intimiste, à saveur autobiographique. C’est un bonheur de renouer avec elle.