Il y a quelques semaines, la chaîne de télévision publique francophone ontarienne TFO a proposé à ses téléspectateurs - parmi lesquels plusieurs Québécois - Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures en version originale thaïlandaise avec sous-titres français. Rien que ça. Les cinéphiles en étaient ravis, même si le film ne fait évidemment pas l'unanimité. Ils furent d'autant plus étonnés de cet accès facile que le drame poétique d'Apichatpong Weerasethakul avait reçu la Palme d'or du Festival de Cannes à peine quelques mois auparavant.

Comment diable un film aussi récent, auréolé du plus prestigieux laurier du monde, a-t-il pu passer à la télé «conventionnelle» aussi rapidement? Accord commun avec le distributeur canadien (Films We Like), dit-on fièrement outre-Outaouais en soulignant le «bon coup». Le fait est que la présentation d'un film aussi «pointu» prouve à quel point les chaînes de télévision à vocation culturelle jouent un rôle plus essentiel que jamais pour la survie même de la cinéphilie.

Chez nous, combien de passionnés de cinéma doivent en partie leur formation de cinéphile à Télé-Québec? Même si elle évolue dans un environnement beaucoup plus concurrentiel que celui de sa contrepartie ontarienne, la chaîne publique québécoise propose depuis longtemps une programmation cinématographique habituellement solide, particulièrement pendant la saison estivale. Cela dit, il faudrait être de bien mauvaise foi pour ne pas avoir remarqué au cours des récentes années une espèce de glissement progressif, peut-être même une frilosité, particulièrement au chapitre de la présentation de films sous-titrés. Il faut aussi dire que chez TFO, les diktats des cotes d'écoute peuvent être ignorés au point où il n'existe même pas de données sur les parts de marché qu'obtient la chaîne! Cette situation - idéale pour un diffuseur - est difficilement envisageable dans le contexte médiatique québécois.

Une très bonne nouvelle fut toutefois annoncée cette semaine. Geneviève Royer a fait son entrée à Télé-Québec à titre de directrice des acquisitions. La nouvelle recrue a d'abord été critique de cinéma (à CBC, Radio-Canada et The Gazette notamment) avant de faire valoir son expertise au Festival Cinémania, où elle fut responsable de la programmation. C'est d'ailleurs sous sa gouverne que le «festival-boutique», consacré au cinéma francophone, a connu un essor formidable. Le départ de la directrice sera à l'évidence regretté au dans l'organisation que préside la fondatrice Maidy Teitelbaum, mais les cinéphiles disséminés un peu partout sur le territoire québécois gagneront en revanche une alliée précieuse.

Geneviève Royer aura en outre le mandat d'enrichir le catalogue télé-québécois d'environ 160 nouveaux titres chaque année, répartis équitablement entre films de fiction et documentaires. Elle devra en outre travailler en étroite collaboration avec les distributeurs locaux. Certains d'entre eux, spécialisés dans l'achat de productions internationales, se portent généralement acquéreurs de certains films seulement après avoir conclu une entente avec une chaîne de télévision. Cela dit, madame la directrice des acquisitions aura les coudées assez franches pour ramener aussi chez nous des films orphelins de distributeur si elle le juge opportun.

Une cinéphile en charge du contenu cinéma d'une chaîne télé? Quelle belle idée!

Le Québec privé de Césars?

On commence à en avoir l'habitude. Depuis quelques années, TV5 Monde a beaucoup de difficulté à conclure une entente avec le diffuseur Canal Plus pour relayer la cérémonie des Césars du cinéma français sur la chaîne francophone internationale. Parfois on y arrive; d'autres fois, non.

À trois semaines de l'événement, il semblerait que les négociations soient présentement dans l'impasse. Tout espoir n'est toutefois pas perdu pour les amateurs de cinéma français. L'an dernier, une entente était intervenue à peine quelques jours avant la tenue de la cérémonie.

On rappelle que la course est dominée cette année par Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois); que Les amours imaginaires (Xavier Dolan) est en lice pour le César du meilleur film étranger; que la soirée aura lieu le 25 février, présidée par la très francophile Jodie Foster, et animée - c'est un retour attendu - par Antoine De Caunes. En désespoir de cause, les aficionados québécois pourront en principe suivre la cérémonie en direct sur le site web du diffuseur français. TV5 peut toutefois se targuer de présenter, le 8 février, la toute première remise des Magritte du Cinéma, célébrant le cinéma belge. C'est toujours bien ça de pris. Même si ceci n'est pas un trophée.

Parlant de galas à la télé, il convient de saluer aussi le retour de la soirée des Génie à la CBC le 10 mars. En organisant la cérémonie au Centre national des arts d'Ottawa, l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision place aussi l'événement sous de bien meilleurs auspices. Vrai qu'il aurait été difficile de faire pire que l'an dernier, alors que le gala s'était déroulé dans une espèce d'entrepôt torontois où l'on semblait avoir été tenu d'apporter sa propre chaise pliante...