C'est demain soir au son des pistolets de Jeff Bridges, de Matt Damon et de Josh Brolin que s'ouvrira la 61e Berlinale avec la présentation du film True Grit. Même si ce néo-western des frères Coen est déjà au bout de son parcours chez nous, il arrive à Berlin auréolé de ses 10 nominations aux Oscars, ce qui ne manquera pas de propulser sa carrière européenne.

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Puis vendredi, la présidente du jury, Isabella Rossellini, donnera le coup d'envoi de la compétition officielle avec Margin Call, un thriller sur la crise financière de 2008 qui raconte les 24 heures avant l'effondrement d'une banque d'investissement. Mettant en vedette Kevin Spacey, Jeremy Irons et Demi Moore, ce premier long métrage de J.C. Chandor, le fils d'un cadre de Merrill Lynch, est un des rares films de la compétition qui réunit autant de vedettes d'Hollywood. Ce n'est pas un hasard. La direction de la Berlinale a en effet choisi cette année de mettre la pédale douce sur Hollywood à la faveur de films indépendants plus audacieux ou carrément des premières oeuvres comme Coriolanus, premier long métrage d'un débutant du nom de Ralph Fiennes, mieux connu comme acteur pour ses rôles dans Le patient anglais et La liste de Schindler et pour le terrifiant Voldemort qu'il campe dans Harry Potter.

Cette année à Berlin, les jeunes réalisateurs sont à l'honneur, de même que les femmes. Au moins quatre d'entre elles, dont l'artiste Miranda July et l'actrice Victoria Mahoney, présentent des films dans la sélection officielle constituée de 22 films dont 16 sont en lice pour l'Ours d'or.

Le film de Victoria Mahoney, Yelling to the Sky, est particulièrement attendu puisqu'il met en vedette la fille du musicien Lenny Kravitz, Zoë, ainsi que Gabourey Sidibe que l'on n'a pas vue depuis son triomphe dans Precious et qui revient dans le rôle d'une ado victime de la brutalité et de l'ostracisme des autres jusqu'au jour où elle décide de se muer en bourreau.

Reste que pour l'instant, la femme la plus désirée à Berlin est nulle autre que Madonna. Bien qu'elle ne fasse pas partie des invités de la Berlinale, une rumeur persistante veut qu'elle profite de la première fin de semaine du festival pour présenter des extraits de son nouveau film W.E. sur l'histoire d'amour d'Édouard VIII et de Wallis Simpson, le tout lors d'une projection privée. Si jamais l'événement a lieu, nul doute que le tout-Berlin tentera de vendre sa mère pour y être invité.

En attendant, la grande nouveauté à la Berlinale cette année est le 3D. Sensible aux percées du 3D mais pas au point d'en reproduire les avatars hollywoodiens, la Berlinale présentera trois films d'art en 3D. D'abord Pina de Wim Wenders, un documentaire sur la regrettée chorégraphe Pina Bausch, décédée à l'été 2009, seulement deux jours après les premiers essais techniques du film. Sur le coup, l'auteur de Paris Texas, des Ailes du désir et du documentaire Buena Vista Social Club a failli annuler le tournage, avant d'être persuadé du contraire par les danseurs de la troupe.

La bande-annonce de Pina disponible sur le site de Wenders laisse entrevoir un ballet incandescent, filmé dans des paysages extraordinaires où se déploient, avec une rare intensité, les danseurs de Pina Bausch. Werner Herzog, le président du jury de la Berlinale de 2010, revient pour sa part avec Cave of Forgotten Dreams, un documentaire en 3D sur les grottes de Chauvet, un site majeur de l'histoire de l'humanité dont les peintures datent de plus de 30 000 ans. Situées en Ardèche, les grottes n'ont jamais été ouvertes au grand public, seulement à des particuliers. Herzog a obtenu un accès privilégié, mais néanmoins très balisé, pour tourner son film. Dernière oeuvre en 3D de la Berlinale: Les contes de la nuit du cinéaste d'animation Michel Ocelot, le premier créateur français à explorer cette nouvelle frontière technologique.

Parmi les autres Français de passage à Berlin, mentionnons Fabrice Luchini et Sandrine Kiberlain pour Les femmes du 6e étage et Julie Gavras, pour le film Late Bloomers.

Depuis ses débuts il y a plus de 60 ans, la Berlinale n'a jamais été particulièrement reconnue pour la légèreté de sa programmation. Les films à caractère politique de même que les oeuvres sombres et tourmentées y ont toujours eu une place de choix. Ce sera le cas encore cette année avec des films explorant l'après-Tchernobyl, les problèmes d'immigration en Allemagne, le vol d'identité, la junte militaire en Argentine ou un épisode douloureux dans la vie de Nietzsche.

Le plus illustre absent de la Berlinale sera le cinéaste iranien Jafar Panahi, condamné récemment par les autorités iraniennes à six ans de prison et à vingt ans d'interdiction de tourner. Panahi devait siéger sur le jury. Pour compenser, ses films seront présentés durant toute la Berlinale et un hommage lui sera rendu vendredi, date anniversaire de la «révolution» iranienne. Puis mardi prochain, son camarade, le cinéaste iranien Asghar Farhadi, gagnant de l'Ours d'argent du meilleur réalisateur en 2009, présentera en compétition officielle Nader et Simin, une séparation, un film qui a failli ne pas voir le jour. Après que Farhadi eut dénoncé l'injuste peine imposée à son camarade cinéaste, les autorités iraniennes ont fermé son plateau. Elles se sont ravisées par la suite. Ce sera intéressant d'entendre ce qu'il a à dire sur l'Iran et sur le cinéma qui s'y fait.

Quant au cinéma québécois, sa présence sera discrète à la Berlinale sauf au marché du film, où une bonne douzaine de films allant d'Incendies à Funkytown seront présentés aux acheteurs. Le Québec sera malgré tout bien représenté par le cinéaste Stéphane Lafleur qui revient à Berlin pour la deuxième fois. Son nouveau film En terrains connus aura l'insigne honneur d'ouvrir la section Forum, une catégorie prestigieuse comparée à la Quinzaine de Cannes.

Le Festival du film de Berlin se terminera le 20 février avec la projection du film gagnant de l'Ours d'or. D'ici là, environ 400 films présentés aux quatre coins de la ville rempliront leurs salles et alimenteront le feu des conversations, que Madonna vienne ou non.