L'une est à la fois la présidente du jury de la Berlinale et la fille du grand Roberto Rossellini. L'autre est la fille du grand Costa-Gavras. Et la troisième est la veuve du grand Maurice Pialat.

L'actrice Isabella Rossellini, la réalisatrice Julie Gavras et la productrice Sylvie Pialat étaient réunies hier à la Berlinale grâce à Latebloomers, une comédie romantique mettant en vedette un couple de sexagénaires incarnés par William Hurt et Isabella. Qui dit comédie romantique dit un lot d'épreuves que doivent traverser les amoureux avant de se retrouver, de s'aimer et d'avoir de nombreux enfants. Dans ce cas-ci, l'épreuve est la soixantaine, que William Hurt fuit tandis que sa tendre épouse cherche au contraire à s'y installer en faisant de l'exercice, du bénévolat et en meublant sa maison de téléphones à boutons surdimensionnés, de lits télécommandés et de rampes d'accès.

Soyons honnêtes, Latebloomers n'est pas le film du siècle malgré le sujet tout à fait d'actualité et des dialogues teintés d'une délicieuse autodérision. Isabella Rossellini y apparaît dans toute sa splendeur de presque sexagénaire (elle aura 59 ans en juin). Et si les gros plans d'elle ne sont pas toujours flatteurs, ils confirment avec certitude qu'elle est une des rares actrices de son âge qui n'a pas été retouchée ou si peu. En conférence de presse, son charme fou, son sens de l'humour, sa lucidité rieuse ont apporté un peu de fraîcheur après une trop longue journée de films lourds.

Bien des actrices évitent comme la peste d'évoquer le tabou du vieillissement. Pas Isabella. À ce sujet, elle est non seulement intarissable, mais étonnamment positive. «Moi, quand on me dit vous me faites pas votre âge, ça m'insulte un peu, a-t-elle confié. J'ai l'âge que j'ai et je n'ai absolument pas envie d'être jeune. J'ai envie d'être élégante, en forme et bien dans ma peau mais pas de changer d'âge.»

Comment faites-vous pour rester belle? lui a lancé un journaliste. «Je porte un foulard, a-t-elle blagué en indiquant celui noué autour de son cou. «Vous savez, avoir 60 ans pour une femme c'est toujours un drame. C'est pourquoi il vaut mieux avoir un bon sens de l'humour et en rire. En même temps, l'avantage, c'est qu'on est tellement plus libre. Oui, on a des rides, oui, on prend des kilos, mais on n'a plus rien à prouver et on peut se dire: maintenant, je fais ce que je veux. C'est ce que j'ai fait en passant derrière la caméra et en réalisant My Little Green Porno, une série de courts métrages où je me déguise en animal. Plus jeune, je n'aurais pas osé faire un truc pareil de peur de perdre un rôle ou une couverture de Vogue, mais maintenant, je m'en fous.»

Isabella a de la chance. Elle est une actrice, une icône, un visage qu'on n'oublie pas. Même si elle approche de la soixantaine, elle ne risque pas de devenir invisible aux yeux des hommes comme la plupart de ses congénères. «Mais si, a-t-elle plaidé. Il m'arrive de me promener dans Rome et d'être invisible et, bien franchement, c'est un soulagement. Car me faire siffler ou me faire mettre la main au cul par les types dans la rue, ça ne me plaisait pas vraiment. Je suis contente que ça soit fini.»

À la fin de la rencontre, Isabella a quand même avoué que malgré toute sa chance, cela faisait au moins 10 ans qu'elle n'avait pas eu un premier rôle au cinéma. Les journalistes à ses pieds ont écarquillé les yeux avec stupéfaction. S'ils avaient pu, ils lui auraient tous offert un premier rôle sur-le-champ.

Palestiniennes et lesbiennes

On pense qu'il n'y a qu'en Iran où les films sont censurés et les plateaux fermés par le gouvernement. Mais ça arrive ailleurs. Parlez-en à Jonathan Sagall, le réalisateur israélien de Lipstikka, un film sur deux jeunes amies palestiniennes, dont l'une est lesbienne et amoureuse de l'autre. Un soir, au retour d'un film vu en cachette dans la partie israélienne de Jérusalem, deux jeunes soldats israéliens les accostent. La rencontre fait basculer leur vie.

Pendant le tournage, une rumeur a circulé selon laquelle le film comparait l'occupation israélienne au nazisme. L'affaire s'est rendue jusqu'au parlement d'Israël. Les fonds du film ont été gelés jusqu'à ce que le gouvernement puisse voir une copie finale et donner son approbation. Résultat? Lipstikka est un film ambigü, ambivalent, mou au centre, avec une scène de viol qui n'en est pas une pour des raisons évidentes. Morale de cette histoire: la politique ne devrait jamais se mêler de cinéma.

La fin - The End

Dans moins de 48 heures, la 61e Berlinale ne sera plus qu'un souvenir. Deux films semblent se détacher de peloton: l'iranien Neder et Simin: une séparation et Le cheval de Turin du Hongrois Béla Tarr. Je souhaite de tout coeur que l'iranien l'emporte. Pour ce qui est du Cheval de Turin, un film de deux heures et demie où chaque plan, mettant en scène un vieux et son cheval, dure 10 minutes, je ne l'ai pas vu, ce qui ne signifie qu'une chose: il va gagner. Combien on gage?