La 36e cérémonie des Césars du cinéma français a lieu aujourd'hui à Paris. TV5 Monde n'étant pas parvenue à s'entendre avec la chaîne française Canal Plus, les aficionados québécois devront se résoudre à suivre le déroulement de la soirée sur le site internet du diffuseur (Canaplus.fr - c'est à 15 h). 

Il est quand même ironique de constater qu'à une époque où le rayonnement mondial du cinéma français devient de plus en plus ardu, des événements conçus pour en faire la promotion aient autant de difficulté à se faire voir à l'intérieur même de l'espace francophone. Petit à petit, de jour en jour, on assiste ainsi, impuissants, aux ratés de diffusion d'une culture dont l'influence ne cesse de s'affaiblir sur le plan international.

Les cousins d'outre-Atlantique ne semblent pourtant pas tous partager le même sentiment d'urgence que nous à l'égard de la question. Lors d'une rencontre avec Guillaume Canet il y a quelques semaines à Paris, des journalistes québécois ont voulu savoir pourquoi le réalisateur des Petits mouchoirs, en tête des productions françaises les plus populaires de 2010 en France (à l'affiche chez nous le 15 avril), avait tapissé son film uniquement de chansons anglophones, puisées à même le répertoire populaire des dernières décennies. Canet n'est pas le seul à le faire, remarquez. Depuis 10 ou 15 ans, sinon plus, il est extrêmement rare d'entendre une chanson écrite dans la langue de Molière dans un film français. Même si la dite chanson n'a strictement rien à voir avec le propos du film. Un simple détail direz-vous, mais tout de même assez symbolique d'une lente et longue dérive.

«Dans les trois longs métrages que j'ai réalisés jusqu'à maintenant, je n'ai jamais utilisé de chanson française, a expliqué Guillaume Canet. Si je le faisais, j'aurais alors l'impression de souligner inutilement l'action qui se déroule dans la scène. Autant faire un clip alors. Une chanson anglaise a une portée plus universelle il me semble. Je l'utilise davantage pour l'émotion qui en émane que pour ce qu'elle raconte.»

Pris individuellement, ces choix artistiques se défendent. Bien entendu. Vient toutefois un moment où la somme collective de ces choix - puisque plusieurs artistes français font les mêmes - pose problème.

La France produit notamment plusieurs films anglophones destinés au marché international. Luc Besson s'en est fait le champion avec sa société EuropaCorp. Régulièrement, des productions comme Taken, Transporter et autresFrom Paris With Love se hissent en tête des productions «françaises» les plus populaires dans le monde. En 2010,The Ghost Writer, film britannique d'esprit mais français de fabrication, a enlevé le titre. Le drame de Polanski est d'ailleurs en lice dans plusieurs catégories aux Césars aujourd'hui.

«On attend de nous dans le monde des films typiquement français, me disait pourtant Antoine de Clermont-Tonnerre, le président d'Unifrance, l'organisme chargé de la promotion du cinéma hexagonal. Mais cela n'empêche pas que le cinéma est aussi une industrie. Sur ce plan, le fait de participer et de concevoir des films dans la langue qui, qu'on le veuille ou non, domine le cinéma dans le monde, permet à nos artisans de travailler. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. De tout temps, des cinéastes français sont allés tenter leur chance à Hollywood. Je ne vois rien de choquant dans le fait qu'un réalisateur choisisse de travailler de temps en temps dans la langue la plus commerciale du cinéma.»

Si monsieur le président déplore le recul de 17,9 % des entrées qu'ont enregistré les productions françaises dans le monde l'an dernier, il se réjouit en revanche du fait que les films français - de langue française - ont connu une hausse de 11 %. Au Québec, même si la situation n'est guère reluisante pour les films issus de la patrie de Jacques Audiard, Antoine de Clermont-Tonnerre n'est pas encore prêt à jeter la serviette.

«Entre francophones, nous menons les mêmes combats, assure-t-il. C'est tout à l'honneur du cinéma québécois d'avoir réussi à augmenter ses parts de marché sur son propre territoire au cours des dernières années. Ce qui m'encourage, c'est que la situation s'est stabilisée par rapport au cinéma français chez vous. Je crois que nous avons encore une chance. C'est aussi à nous d'offrir de meilleurs films et d'en faciliter l'accès.»

Il faudra pourtant se dépêcher. Avant qu'il ne soit trop tard.

Le divertissement a bon dos

Il existe deux écoles de pensée au Québec. Il y a d'un côté ceux qui privilégient la thèse selon laquelle notre cinématographie doit se distinguer en proposant des films originaux desquels émanent de vraies visions de cinéastes. Et de l'autre, il y a ceux qui, au contraire, préfèrent concurrencer les Américains sur leur propre terrain, tout en surveillant bien leur angle mort.

Comment? En élaborant des films de genre selon des formules déjà bien établies. Des films comme Bon Cop, Bad Cop et De père en flic ont bien joué le jeu en intégrant dans la recette des ingrédients «locaux» qui ont su séduire. Trop souvent, toutefois, certains de ces projets semblent avoir été conçus à toute vitesse sur le coin d'une table sans que la «bonne» idée ne soit ensuite remise en question. Oui, l'ambition de divertir est tout aussi noble qu'une autre. Mais elle ne peut quand même pas tout excuser.

Évidemment, je dis ça de même. Encore.