Passer un message. Le plus directement possible. Sans le filtre des médias. Voilà ce que souhaitent habituellement les politiciens. Voilà aussi ce que réclament maintenant, et de plus en plus, ceux dont le mandat est de vendre des «produits» culturels. 

Pour ce faire, les médias sociaux constituent une vraie mine d'or. Tout comme les sites internet des grands médias. Surtout ceux où des commentaires signés sous le sceau de l'anonymat peuvent être subtilement déposés à la suite d'une entrée de blogue ou de la publication d'un reportage. C'est de bonne guerre. Mais il est certain que la frontière séparant l'information de la promotion devient de plus en plus floue. Et poreuse.

Par exemple, dans un excès d'enthousiasme pour un film québécois ayant récemment pris l'affiche, un intervenant sur notre site (Moncinema.ca) s'est retrouvé à vanter du même coup les mérites d'un prochain film, que personne n'a encore vu à part lui, qui prendra l'affiche sous l'égide - serait-ce un hasard? - de la même société de distribution. Hum...

Plus tôt cette semaine, un distributeur torontois s'est de son côté empressé d'annoncer sur Twitter que son film canadien «s'en allait» au Festival de Cannes. Évidemment, la nouvelle a vite été relayée par des observateurs enthousiastes. D'autant que le film en question, un remake de L'homme du train de Patrice Leconte, met en vedette Donald Sutherland et Larry Mullen Jr., le plus discret des membres du groupe U2.

Il s'agit là, pourtant, d'une demi-vérité. Ce que le gazouillis ne mentionne pas, c'est que Man on The Train n'a jamais fait l'objet d'une sélection par le comité organisateur du Festival. Mais il sera présenté au Marché du film, c'est vrai. Au beau milieu des quelque 1500 projections organisées pour l'occasion, sans oublier les trois millions de nanars offerts en kiosques, la plupart mettant en vedette des émules bulgares de Steven Seagal. «Big Deal» dirait-on sur Bay Street.

«Il n'y a pas des festivals de cinéma; il n'y en a qu'un seul, avait un jour déclaré le regretté Daniel Toscan du Plantier à l'époque où il occupait la présidence d'Unifrance. Les autres, ce ne sont que des attractions pour les touristes!». Le Festival de Cannes trônant loin devant les autres manifestations du genre, tous les moyens sont bons pour se mirer un peu dans le reflet de sa lumière, cela est entendu. Quitte à étirer un peu la vérité pour y parvenir.

Dans les faits, il n'y a pas plus d'une centaine de longs métrages invités au grand bal cannois, toutes sections confondues. D'où le caractère extrêmement prestigieux d'une sélection. Cette année, La nuit, elles dansent, le plus récent documentaire d'Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault, retenu pour une séance spéciale à la Quinzaine des réalisateurs, est le seul long métrage québécois - et canadien - pouvant se vanter «d'aller à Cannes» pour reprendre l'expression du gazouillis. Les autres n'y seront que pour essayer de se faire voir. En 140 caractères, il est un peu difficile de faire dans les nuances...

Villeneuve à Hollywood

C'est fait. Le prochain film de Denis Villeneuve sera produit à l'intérieur du système hollywoodien pour le compte du studio Warner Bros. Le journaliste Steven Zeitchik a en effet révélé la semaine dernière sur le site internet du Los Angeles Times l'embauche du cinéaste québécois pour assurer la réalisation de Prisoners à l'automne, un projet auquel ont déjà été associées des pointures au cours des deux dernières années (Bryan Singer, Mark Walhlberg et Leonardo DiCaprio notamment). Il y a évidemment lieu de se réjouir pour notre compatriote. D'autant qu'Incendies, sorti le week-end dernier sur quelques écrans là-bas, fut non seulement encensé dans la presse américaine (lire la chronique d'hier de l'ami Cassivi), mais a aussi suscité l'engouement des cinéphiles à New York et à Los Angeles. Villeneuve est maintenant sur le «radar», c'est indéniable. Cela dit, ce joli coup du destin prouve à quel point la reconnaissance est d'abord et avant tout liée au talent d'un individu, bien davantage qu'à l'ensemble de la cinématographie nationale duquel il est issu. Ceux qui voyaient le prestige d'une nomination obtenue aux Oscars rejaillir sur l'ensemble du cinéma québécois doivent aujourd'hui se rendre à l'évidence. On ne parlera pas davantage des films d'ici dans le monde qu'on ne le fait de la cinématographie kazakhe, grecque, ou argentine. Mais de Villeneuve on parlera. À coup sûr. Et on aura raison de le faire.

Misère...

C'est l'histoire d'un distributeur unifolié torontois ayant acquis les droits de diffusion d'un film français d'un océan à l'autre. Pour donner aux cinéphiles l'envie d'aller voir Les petits mouchoirs, Maple Pictures emprunte une technique éprouvée, utilisée aussi par toutes les sociétés spécialisées dans la distribution de longs métrages. Des extraits de critiques sont ainsi mis en exergue dans les publicités. Comme, dans ce cas précis, il s'agit d'un film français, la logique aurait d'abord voulu qu'on puise les citations dans les médias de référence du pays d'origine, étant donné qu'on s'adresse ici à une clientèle francophone ayant aussi accès aux médias de l'Hexagone. Mais au lieu de choisir des formules trouvées dans Libération, le Figaro, les Inrocks, ou dans toute autre publication importante diffusée dans le pays de Guillaume Canet, on a préféré se référer à des médias comme Easy Living, Hello, et BBC5 Live. C'est formidable.