Elle est arrivée sur le tapis rouge, devant le cinéma Impérial, sous les cris d’une cinquantaine d’admirateurs, dans une longue robe noire aux motifs argentés. Souriante, volontaire, signant des autographes. Une brise fraîche au parfum vaporeux.

> Vidéo: Le tapis rouge de Café de Flore

Vanessa Paradis était accompagnée hier, non pas de son bel acteur d’amoureux, mais du cinéaste Jean-Marc Vallée. Après sa présentation ces dernières semaines aux prestigieux festivals de Venise et de Toronto, c’était soir de grande première montréalaise pour Café de Flore, le plus récent film du réalisateur de C.R.A.Z.Y.

«J’ai trouvé une muse, a déclaré le cinéaste. Vanessa a été incroyable. Elle a le coeur sur la main. Son investissement dans le film a été total. Elle a accepté en toute humilité d’être filmée sans maquillage, d’être enlaidie, de n’avoir l’air de rien. Pour que Vanessa Paradis n’ait l’air de rien, il faut bien des efforts!»

«C’est fait pour ça le cinéma, a ajouté l’actrice. Pour sortir de ses habitudes. L’inverse aurait été inquiétant. Je n’aurais pas voulu que Jean-Marc me mette des bigoudis!»

Sans doute en raison de ses deux têtes d’affiche - Vanessa Paradis partage la vedette avec un autre chanteur/acteur, Kevin Parent - et du succès phénoménal de C.R.A.Z.Y., Café de Flore compte parmi les films les plus attendus de la rentrée cinématographique au Québec. Le cinéaste de Liste noire et de Young Victoria n’avait encore vu son film complètement achevé que deux fois avant la projection gala d’hier soir. «Je le découvre et je le digère toujours», a-t-il confié.

Café de Flore, qui doit prendre l’affiche le 23 septembre, commence avec le célèbre cri de Clare Torry à la fin de la pièce Speak to Me de Pink Floyd. Un thème récurrent (avec l’introduction de Breathe) qui enveloppe comme un mantra ce film ambitieux et émouvant, impressionniste et atmosphérique, rythmé de bout en bout par la musique.

Jean-Marc Vallée sait «jouer» de la musique dans ses films comme peu d’autres cinéastes. Il l’a fait avec C.R.A.Z.Y. en osant sortir des sentiers battus et en investissant une somme inédite au Québec - quelque 600 000$ - dans sa bande sonore (qui comptait entre autres des chansons de David Bowie). Il le fait de nouveau, cette fois, en intégrant à son récit la musique chargée de spleen de Sigur Rós et les pièces romantiques de The Cure, symbole nostalgique du germe d’une symbiose amoureuse. «J’ai besoin de musique, dit-il simplement. C’est comme ça.»

La musique de Café de Flore est en elle-même un personnage, lancinante, hypnotique, presque envahissante. Elle hante l’esprit d’Antoine (Kevin Parent), célèbre DJ montréalais, qui «a tout pour être heureux» avec son amoureuse (Evelyne Brochu), mais qui vit mal les contrecoups de sa séparation avec Carole (Hélène Florent), son amour d’adolescence et la mère de ses deux filles.

La musique fait aussi danser Laurent, enfant trisomique qu’une mère courage, Jacqueline (Vanessa Paradis), élève seule à Paris au début des années 70. La musique préférée de Laurent, volontairement anachronique (Café de Flore de Matthew Herbert), offre d’ailleurs un éclairage essentiel à ces deux récits parallèles, en apparence sans lien, qui finissent par s’entrecroiser dans le rêve et la métaphore. Parce qu’il y a des choses, comme le dit le personnage de Carole, adepte de théories «new age», auxquelles il faut croire pour tenter de comprendre et de survivre.

Café de Flore est un film qui ne manque pas d’ambition, avec tous les risques que cela comporte. Si l’arrimage semble par moments difficile, voire un peu forcé, entre les deux fils narratifs montréalais et parisien, il trouve tout son sens à l’arrivée.

La mise en scène de Jean-Marc Vallée est extrêmement soignée, organique, sans être précieuse. La photographie est magnifique. Le jeu des acteurs, d’une unité de ton admirable. Kevin Parent, d’un sex-appeal à crever l’écran, se révèle parfaitement à la hauteur des attentes dans le rôle d’un homme passionné et vulnérable, à la rage plus ou moins contenue. Vanessa Paradis incarne avec conviction une mère qui se donne entièrement à son fils, au point d’être incapable de supporter que son amour ne soit pas exclusif.

On regrettera une narration parfois appuyée et quelques transitions brusques, qui n’empêchent pas Café de Flore, à mon sens, d’être une oeuvre forte et bouleversante sur la subtilité des rapports amoureux. Un film comme un beau risque, pris par un cinéaste qui n’a aucune raison de s’en priver.