Troy Davis a été exécuté cette semaine aux États-Unis. Condamné à mort en Géorgie alors que plus d'un doute raisonnable planait sur sa culpabilité. Victime d'une pratique barbare, peu importe les circonstances.

De l'histoire de ce nouveau martyr, on tirera peut-être un jour un film. C'est ce que je me suis dit en voyant le documentariste Michael Moore réagir vivement à l'exécution. Sur Twitter, le cinéaste de Bowling for Columbine a appelé ses concitoyens à boycotter la Géorgie et tous ses produits.

Troy Davis est l'archétype du Noir condamné à tort pour un crime qu'il n'a pas commis. Comme un célèbre boxeur, immortalisé jadis par une chanson de Bob Dylan: Rubin Carter, dit The Hurricane.

De 29 à 48 ans, Rubin Carter a été emprisonné au New Jersey pour un triple meurtre dont il n'était pas l'auteur. Il n'a été libéré qu'en 1985, lorsqu'un juge de la Cour fédérale américaine a déterminé qu'il avait été condamné deux fois, à perpétuité pour des motifs racistes. Plusieurs éléments de preuve avaient été dissimulés au tribunal.

L'histoire de Rubin Carter est racontée dans The Hurricane, long métrage du Canadien Norman Jewison mettant en vedette Denzel Washington. J'ai repensé cette semaine à ce film, percutant quoiqu'imparfait, et à la discussion que j'avais eue à sa sortie en salle (en 2000) avec Rubin Carter.

«Les gens qui m'ont aidé à sortir de prison, qui ont fait des livres, des chansons et ce film, ont tous eu à s'élever au-dessus du niveau de la médiocrité et rejoindre celui du miraculeux», m'avait-il dit, de sa voix de prédicateur. Il dirigeait à l'époque, à Toronto, une association d'aide aux victimes d'erreurs judiciaires.

Le cinéma, parfois, agit non seulement en éveilleur de consciences, mais en dénonciateur d'injustices. Parce qu'il y a des histoires qui méritent d'être racontées, que le cinéma peut mettre en lumière afin qu'elles soient connues du grand public.

Omar m'a tuer de Roschdy Zem a pris l'affiche hier au Québec. Ce long métrage de fiction est inspiré d'un feuilleton judiciaire qui a fait grand bruit en France au début des années 90. L'histoire d'un jardinier maghrébin illettré, Omar Raddad, accusé à tort du meurtre d'une vieille dame riche qui l'employait dans sa villa de la Côte d'Azur.

Ghislaine Marchal a été découverte morte dans sa cave en 1991. Sur le mur, avec son sang, était écrit «Omar m'a tuer». Malgré la faute d'orthographe attribuée par les enquêteurs à cette dame pourtant lettrée, ainsi que plusieurs autres improbabilités et irrégularités (des éléments de preuve ayant entre autres disparu), Omar Raddad a été condamné à 18 ans de prison pour homicide.

L'écrivain Jean-Marie Rouart s'est intéressé à l'affaire et, menant sa propre enquête, a publié en 1994 Omar ou la construction d'un coupable. C'est à cette contre-enquête et à l'épreuve vécue en milieu carcéral par Omar Raddad (interprété par Sami Bouajila) que le cinéaste et acteur Roschdy Zem s'est intéressé.

Dans la foulée de la publication de l'essai de Jean-Marie Rouart (Denis Podalydès, à l'écran), Omar Raddad a été gracié par le président français Jacques Chirac. Il venait de passer sept ans en prison. En revanche, le verdict de culpabilité du tribunal n'a jamais été renversé. Si bien qu'Omar Raddad milite toujours pour que son innocence soit reconnue légalement.

Omar m'a tuer n'est pas un grand film. Sami Bouajila, malgré sa sensibilité, en fait un peu trop, à mon sens, dans le rôle de la victime désemparée. Roschdy Zem, dont la mise en scène emprunte aux codes du téléfilm, aurait eu avantage à creuser davantage les zones d'ombre judiciaires. On a l'impression que son film, en faisant le pari du récit parallèle, reste en surface. Et que son parti pris pourtant clairement affiché en faveur de Raddad souffre d'une certaine tiédeur.

Pourquoi ne pas avoir traité cette histoire par la voie du cinéma documentaire? se demandait récemment un journaliste français. La question est légitime. Le traitement documentaire permet souvent de mieux cerner un sujet complexe (ce qui aurait sans doute été le cas ici). Sauf qu'un film de fiction a généralement plus de portée. Grâce à la sortie du film de Roschdy Zem en Europe cet été, la justice française s'est enfin décidée à procéder à une analyse d'ADN sur les lieux du crime. Comme quoi le cinéma a parfois un impact que l'on ne soupçonne pas.

Poème d'amour

On avait perdu l'habitude de retrouver Gus Van Sant en mode léger, mais Restless, qui prend l'affiche vendredi prochain, malgré un traitement somme toute conventionnel et une intrigue qui s'égare à mi-parcours, ne manque pas de charme. C'est une romance adolescente subtile et lumineuse, émouvante et attendrissante, sur le deuil.

Le jeune Enoch (Henry Hopper, fils du regretté Dennis, dans son premier rôle), un orphelin qui traîne dans des salons funéraires, rencontre par hasard Annabel (Mia Wasikowska), en phase terminale d'un cancer. Tous deux ont une fascination morbide à la Harold et Maude, mais c'est de la vie que traite surtout Gus Van Sant dans ce film aux accents philosophiques.

On ne se lasse pas de suivre le parcours atypique de ce cinéaste singulier, aux films aussi variés que Milk, To Die For et Elephant. Aussi, Restless s'apprécie comme un poème d'amour onirique sur la vie et la mort. Un film d'automne, comme une brise légère et mélancolique.