C’était le 2 septembre à la Sala Darsena de Venise. C’est là que s’est tenue la toute première projection publique de Café de Flore, premier film francophone de Jean-Marc Vallée depuis C.R.A.Z.Y. J’y étais. Tout heureux de découvrir enfin ce long métrage mystérieux, dont la bande-annonce fascine mais ne révèle strictement rien. Et puis, j’aime l’homme qui a conçu ce film. J’apprécie sa sensibilité, sa franchise, sa droiture, la façon d’exprimer ce qu’il ressent sans jamais recourir à la langue de bois. D’autant que ce projet a dû exiger de l’auteur cinéaste un investissement personnel et intime de tous les instants. Assurément, cette démarche introspective ne relève pas de la facilité.

La projection commence. Les fulgurances nous sautent aux yeux. Vallée vise clairement le plexus avec des effets visuels et musicaux destinés à provoquer des émotions fortes. L’histoire campée dans les années 60 à Paris avec Vanessa Paradis m’apparaît d’emblée plus forte que celle du DJ montréalais d’aujourd’hui. Même si Kevin Parent, Évelyne Brochu et Hélène Florent sont remarquables, l’imbroglio sentimental dans lequel leurs personnages sont piégés me semble inutilement tarabiscoté. Et l’aspect « ésotérique nouvel âge » m’atteint plus difficilement. À la fin de la projection, je reconnais les belles qualités du film, mais je ne déborde pas d’enthousiasme. Il est de ces œuvres dont l’effet est plus souterrain. Café de Flore en fait partie. Mais il faut réagir. Tout de suite. Maintenant. Pas le choix.


« Si vous n’avez rien compris, rassurez-vous, a lancé Vallée au public italien après la projection. J’ai mis quatre ans à comprendre l’histoire de ce film ! », a-t-il dit à la blague.
À la notion de contexte, à laquelle faisait éloquemment écho l’ami Cassivi dans sa chronique d’hier, s’ajoute ainsi le syndrome de la première impression. Dont le critique doit parfois se méfier. Sauf très rares exceptions, le sentiment instinctif correspond pourtant fidèlement – de manière un peu plus brute peut-être – à l’appréciation personnelle qu’on tirera ensuite d’une œuvre de façon plus définitive. Au fil des ans, j’ai eu l’occasion de voir des films dans toutes sortes de circonstances : décalage horaire, sautes d’humeur, grippes d’homme (les pires, bien sûr), fatigue, etc. Il se trouve pourtant que, malgré tout, un deuxième visionnement confirme l’impression première dans la grande majorité des cas. C’est dire que je change rarement d’avis.


J’ai revu Café de Flore cette semaine. Mes réserves restent exactement les mêmes sur le plan du scénario. J’ai pourtant été beaucoup plus touché que la première fois. Quand on ne cherche plus à tout comprendre (réflexe tout à fait normal quand on s’apprête à voir un film dont on ne sait rien), le récit s’impose de lui-même à travers, ici, une expérience sensorielle unique.


« Je crois qu’un deuxième visionnement est souhaitable pour ce genre de film », avait prévenu l’auteur cinéaste à Venise. Peu d’œuvres sont assez riches pour en soutenir autant. Mais dans le cas de Café de Flore, c’est tout à fait indiqué.


En Iran comme ailleurs


Les sept cinéastes iraniens arrêtés à Téhéran la semaine dernière, parmi lesquels Mojtaba Mirtahmasb, coréalisateur avec Jafar Panahi de Ceci n’est pas un film (projeté récemment au Cinéma du Parc), seraient toujours détenus à la prison d’Evin, l’endroit même où le réalisateur du Ballon blanc a dû passer de sombres jours au cours des derniers mois. On ne dira jamais assez à quel point ces atteintes à la liberté d’expression – les cinéastes sont accusés là-bas d’être des espions au service de la BBC ! – sont, en réalité, des atteintes à l’humanité tout entière. Nous devrions tous nous en préoccuper.


Ma collègue Helen Faradji, de 24 images.ca, a bien raison d’en appeler à la solidarité du milieu cinématographique. « Que tous se soulèvent, saluent le cran et la force de leurs homologues, écrit-elle. Qu’à chaque prix gagné, manifestation publique, déclaration, une pensée leur soit dédiée. Qu’ils et elles soient empêchés de créer, de penser, de s’exprimer est déjà intolérable. Ce serait ajouter l’injure à l’insulte qu’ils soient, en outre, oubliés. »


On ne saurait mieux dire.

C’est quoi ça ?

Un très mauvais film prend l’affiche aujourd’hui : What’s Your Number ? , comédie romantique pseudo grivoise calquée sur les 2500 autres du même genre produites l’an dernier seulement. Le titre de la version française réalisée sur nos terres : C’est quoi ton numéro ? Quand un film est de piètre qualité, on choisit son titre dans une langue bâtarde, c’est ça ?