Ce n’est pas une menace. C’est une promesse. À partir de maintenant, tous les films de Wim Wenders, le père de Paris, Texas, des Ailes du désir, de Buena Vista Social Club et de Pina, son plus récent et magnifique documentaire sur la défunte chorégraphe Pina Bausch, seront uniquement en 3D. Le cinéaste allemand, qui risque de se retrouver dans la course aux Oscars cette année, n’en démord pas: c’est le 3D ou rien.

«Pendant longtemps, j\'ai cru que le 3D était un gadget, une forme d\'attraction bidon. Et plusieurs des premiers films en 3D, qui étaient des horreurs sans nom, m\'ont donné raison. Mais Avatar a donné de la crédibilité au 3D. Pour ma part, j\'ai voulu donner une certaine dignité au 3D avec Pina,qui est à la base un film d\'art. Depuis, je suis complètement accro et, comme il y a tant à faire, je veux m\'y consacrer entièrement. À mes yeux, le 3D est une révolution cinématographique aussi importante que l\'arrivée du son au cinéma. Et je suis particulièrement heureux de pouvoir voir et vivre cela comme cinéaste», a-t-il raconté dans une petite salle de cinéma des bureaux de l\'ONF mercredi matin.

Invité par le Festival du nouveau cinéma, dont il est un habitué depuis près de 40 ans, Wenders assistera ce soir à la première de Pina dans une salle 3D du Quartier latin. Tout le milieu de la danse montréalaise y a été convié pour rendre hommage à cette grande chorégraphe allemande, morte d\'un cancer à l\'été 2009 et dont l\'influence se fait encore sentir chez nous comme ailleurs.

Pourtant, Pina n\'est pas un film de danse comme les autres. D\'abord, il a été réalisé par un homme qui n\'aimait pas vraiment la danse.

«Disons que c\'est une forme d\'art pour laquelle je n\'avais pas d\'intérêt jusqu\'à ce que je voie le travail de Pina. La rencontre avec son travail a eu l\'effet d\'un électrochoc sur moi. Je peux affirmer sans exagérer qu\'aucune autre oeuvre ne m\'a touché comme celle de Pina a su le faire.»

Wim Wenders et Pina Bausch sont rapidement devenus amis et, pendant 20 ans, ils se sont dit qu\'ils feraient un film ensemble. Sauf que c\'était plus facilement dit que fait: «Le problème, c\'est que je ne trouvais pas en moi la façon de filmer son travail pour lui rendre justice et en faire quelque chose d\'aussi foudroyant que sur scène, dit Wenders. À la longue, c\'est devenu une blague entre nous. Quand on se voyait, Pina me demandait: «Est-ce que t\'as trouvé?» Je lui répondais invariablement: «Toujours pas.» J\'étais convaincu que la caméra n\'avait pas accès au royaume des danseurs et qu\'elle resterait éternellement le nez collé contre la vitre.»

Contre toute attente, une fenêtre s\'est ouverte au printemps 2007 avec le groupe U2 et son film musical, U2 3D. «Je suis allé à la première du film sans aucune attente et j\'ai été soufflé, pas tant par le film que par la technologie. Pendant le générique, j\'ai appelé Pina en criant j\'ai trouvé la clé!»

Pendant deux ans, le cinéaste et la chorégraphe ont élaboré un scénario et choisi les ballets et solos à filmer. Ils ont convenu que le tournage aurait lieu à Wuppertal, une ville industrielle de l\'Allemagne de l\'Ouest, réputée pour son monorail aérien, où Pina Basch avait ses studios et son théâtre. Un premier test caméra devait avoir lieu en juin 2009.

«On venait de charger les camions à Paris quand le téléphone a sonné pour nous apprendre que Pina venait de succomber à un cancer dont elle ignorait être atteinte. Le monde venait de s\'écrouler. On a défait les camions et j\'ai tout annulé. Faire ce film sans Pina n\'avait aucun sens. Mais ses danseurs sont revenus à la charge et ce sont eux qui m\'ont convaicu de combattre la mort par la danse.»

Lancé hors compétition au dernier Festival du film de Berlin, où il a ébloui le public par ses images sublimes, son souffle chorégraphique et son émotion à fleur de peau, Pina a récolté des critiques élogieuses en Europe avant d\'être choisi pour représenter l\'Allemagne aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger. Le film sortira en Amérique du Nord à Noël. En attendant, Wim Wenders continue sa croisade pour le 3D, fin prêt à apporter sa contribution à un nouveau language qui ne demande qu\'à exister.