Pratiquement aucune journée ne passe sans que le fil Twitter annonce une distinction quelconque pour un film québécois.

Au cours des derniers jours, Monsieur Lazhar a obtenu le prix du public au Festival de Rotterdam. Incendies, en lice pour le BAFTA du meilleur film étranger à Londres ce week-end, a été gratifié plus tôt à Bruxelles du Magritte de la meilleure actrice, remis à la formidable Lubna Azabal. Fort de son prix de popularité à Palm Springs, Starbuck fut de nouveau plébiscité par le public du Festival de Santa Barbara. Roméo Onze, remarquable premier film d'Ivan Grbovic, glane des prix un peu partout dans le monde, le plus récent étant un grand prix du jury attribué à Annonay (France), où se tient un festival consacré aux premières oeuvres . Même Bumrush, qui n'a pas exactement été encensé par la critique québécoise, s'en tire avantageusement dans des manifestations consacrées au cinéma indépendant.

Vendredi prochain, Rebelle, le plus récent film de Kim Nguyen, sera présenté en compétition officielle à la Berlinale, l'une des plus grandes manifestations cinématographiques de l'année (avec Cannes, Venise, et Toronto). Aucun film entièrement québécois n'avait eu droit à un tel honneur depuis Emporte-moi (Léa Pool), en 1999. N'oublions pas non plus le fascinant Bestiaire de Denis Côté (dont nous reparlerons), lequel sera projeté officiellement ce soir à Berlin (dans la section Forum) après avoir été lancé à Sundance.

Indéniablement, le rayonnement de notre cinématographie nationale est étroitement lié à sa présence sur le circuit des festivals.

En salle

Une autre forme de notoriété, plus concrète celle-là, découle aussi d'une sortie en salle. C'est à ce moment-là que les films d'ici font habituellement l'objet d'une couverture médiatique plus importante dans les pays étrangers. À cet égard, quelques longs métrages québécois ont eu droit au grand jeu. Incendies, bien sûr, qui devrait être le lauréat logique du Jutra attribué au film s'étant le plus illustré à l'extérieur de nos frontières. Mais aussi Curling. Et bientôt Monsieur Lazhar, Starbuck et compagnie. Aux États-Unis, en France ou ailleurs, les spectateurs ont eu (ou auront) le loisir de voir ces films dans un contexte dit «normal», de la même manière que les Québécois ont eu (ou auront) la possibilité de voir Des hommes et des dieux ou Une séparation. Voilà qui est bien.

Une couverture plus importante entraîne forcément l'attention de la critique. L'une ne va pas sans l'autre. Sorti en France il y a deux semaines, Café de Flore a bénéficié d'une très belle campagne médiatique, notamment grâce à la participation de la vedette féminine du film, Vanessa Paradis. Or, le film de Jean-Marc Vallée atteindra difficilement là-bas le score des 100 000 entrées. De plus, la critique dite «de référence» fut beaucoup moins enthousiaste qu'au Québec. Les médias d'ici en ont fait l'écho, comme ils le font dès que l'un des «nôtres» se fait valoir ailleurs. Denys Arcand s'est déjà demandé pourquoi les médias québécois accordaient autant d'importance à la critique française alors que, de l'autre côté de l'Atlantique, ses contreparties n'ont strictement rien à cirer de l'accueil que reçoivent en nos terres les oeuvres en provenance de l'Hexagone. La question mérite d'être posée.

Cela tient sans doute à ce besoin d'exister dans le regard d'un plus «grand» que soi, surtout s'il s'adonne à être cousin. Ou voisin. De là à parler de dépendance affective, il y a un pas que certains n'hésiteraient pas à franchir allègrement. On applaudit les succès, bien sûr (et avec raison!), mais quand les nouvelles sont moins bonnes, on frôle la crise identitaire. Aurons-nous un jour collectivement assez de maturité pour accepter sereinement une lecture différente à propos d'une oeuvre d'ici? Café de Flore a connu une carrière enviable au Québec. Des spectateurs d'ici ont entretenu un lien viscéral avec ce film. Qu'il n'ait pas eu la même résonance en France ne change rien à ce rapport, ni à cette affection. À chacun sa vérité.