Quels films incarnent le mieux Montréal ? À tout prendre de Claude Jutra ? Jésus de Montréal de Denys Arcand ? Un zoo la nuit de Jean-Claude Lauzon ?

À l’occasion de son 20e anniversaire, le musée Pointe-à-Callière a lancé il y a quelques semaines un appel au public afin de déterminer quels « symboles » représentent le mieux Montréal. Les résultats de ce sondage ludique seront dévoilés lundi.

Sans dévoiler de punch – par déformation professionnelle... –, j’oserai dire que je suis déçu que mes bagels adorés de la rue Saint-Viateur n’aient pas été retenus parmi les cinq « symboles » finalistes.

Mais revenons à nos moutons. À compter de lundi, le musée d’archéologie et d’histoire de Montréal proposera un nouveau concours afin de sélectionner les cinq longs métrages de fiction qui ont su, dans l’histoire du cinéma, le mieux mettre en valeur la métropole québécoise.

« On le sait, le septième art a mis la ville en images à maintes reprises, des quartiers, des gens, et des lieux se sont retrouvés au grand écran. Quels films sont les plus marquants ? Lesquels évoquent le mieux visuellement la métropole ? », se demandent entre autres les organisateurs du concours.

Une liste de finalistes a été élaborée par le musée en collaboration avec la Cinémathèque québécoise et les gens de Médiafilm, agence de presse spécialisée dans le cinéma. « Nous ne sommes pas des spécialistes, alors nous avons fait appel à des spécialistes, explique Claude-Sylvie Lemery, directrice des communications à Pointe-à-Callière. Bien sûr, il a fallu faire des choix. Nous avons préféré nous en tenir aux longs métrages de fiction. Mais je crois que la sélection est assez variée. »

En effet. Plus de 30 titres ont été retenus par le comité de sélection, parmi lesquels Il était une fois dans l’Est d’André Brassard, La vie heureuse de Leopold Z de Gilles Carle, L’eau chaude, l’eau frette d’André Forcier, The Apprenticeship of Duddy Kravitz de Ted Kotcheff, Sonatine de Micheline Lanctôt, Anne Trister de Léa Pool et Un crabe dans la tête d’André Turpin.

Je l’ai déjà souvent dit : j’aime les listes. Et je trouve toujours amusant ce genre d’exercice de mémoire, prétexte à se replonger dans ses souvenirs cinématographiques. Quel film incarne le mieux Montréal ? La réponse dépend à la fois du rapport du cinéphile à la métropole et au cinéma.

La première fois que j’ai eu l’impression de reconnaître le Montréal de mon quotidien au grand écran, au début de l’âge adulte, c’était en découvrant Eldorado de Charles Binamé, en 1995. Les Foufounes électriques la nuit, le mont Royal au petit matin, la braderie du boulevard Saint-Laurent marquant le début de l’été. Les lieux, les couleurs, les personnages, les thématiques, les repères de mes années universitaires.

Eldorado n’est sans doute pas le plus grand des films québécois, mais c’est une œuvre intimement liée à mes 20 ans. Un film urbain, moderne, nerveux et rythmé, qui portait les espoirs et les craintes des gens de ma génération, au moment où nous aussi, manifestions contre la hausse des droits de scolarité (et la réforme Axworthy). Un film comme un canevas d’une époque. Celle de la jeunesse montréalaise du début des années 90.

Tous les films les plus marquants sur Montréal ne renvoient pas, évidemment, à des souvenirs aussi intimes. Les ordres de Michel Brault ou encore Réjeanne Padovani de Denys Arcand témoignent du Montréal d’une époque que je n’ai pas connue. Mais ce sont des films importants, qui sont à la fois des documents historiques sur l’évolution (ou pas) de notre société.

Les listes existent pour que l’on en discute. Pour qu’on revendique nos désaccords. Je comprends que l’on ait voulu inclure dans celle-ci des films de différentes époques et de différents genres. Des films d’auteurs et des films populaires. Des films fondateurs de notre cinématographie nationale et des films plutôt récents.

L’exercice, comme toujours, comprend son lot d’oubliés. Et il me saute aux yeux qu’un des films les plus marquants de l’histoire du cinéma québécois, tourné principalement à Montréal, n’a pas été retenu parmi les 33 titres. Le chat dans le sac de Gilles Groulx est un grand film, dans la veine de la Nouvelle Vague française, qui aurait eu davantage sa place parmi les finalistes, à mon sens, que Cruising Bar, Bon Cop, Bad Cop ou Le bonheur des autres.

Aussi, si l’on n’était pas contraint aux œuvres de fiction, j’aurais volontiers choisi le fascinant documentaire de Luc Bourdon, La mémoire des anges (2008), fait d’images d’archives de 120 films de l’Office national du film, tournés entre 1950 et 1960. Une ode au Montréal d’antan.


À vous maintenant de vous prononcer. Pour participer au sondage, rendez-vous sur le site internet de Pointe-à-Callière ou sur sa page Facebook sous l’onglet « J’ai rendez-vous avec Montréal ».

Dommage
La Boîte noire de la rue Laurier fermera ses portes le 1er juillet, après 15 ans d’existence. Son propriétaire, François Poitras, en a fait l’annonce cette semaine. Une liquidation de titres en DVD aura lieu le 2 avril.

La baisse d’achalandage et les nombreux obstacles au commerce, parmi lesquels les travaux qui s’étirent sur l’avenue du Parc et des hausses de taxes, sont évoqués par le propriétaire pour expliquer la fermeture.

Dommage. La Boîte noire (d’abord celle sur la rue Saint-Denis) m’a forgé comme cinéphile. À une époque, j’habitais à un jet de pierre de la succursale de la rue Laurier. Heureusement, celle de l’avenue du Mont-Royal reste ouverte. Pour l’instant. Un autre grand symbole de Montréal que l’on espère ne pas voir disparaître.