Non, je n'ai pas vu Kim Kardashian monter les marches du Palais des festivals au bras de Kanye West. Je ne saurais de toute manière pas reconnaître Kim Kardashian. On me dit pourtant qu'elle s'est rendue célèbre grâce à un film. Un court.

Je n'ai pas vu Kim Kardashian. J'ai vu, en revanche, dans la même soirée, celle du 65e anniversaire du Festival de Cannes, Polanski, Loach, les frères Dardenne, Lelouch, Moretti, tous des Palme d'or, à la table du président Gilles Jacob.

Ils venaient d'assister à la projection du «film anniversaire», réalisé par Gilles Jacob lui-même, le documentaire Une journée particulière, sur le rassemblement il y a cinq ans d'une brochette exceptionnelle de cinéastes à Cannes. Le film sera d'ailleurs présenté en primeur chez nous, demain soir à 21h, à Télé-Québec.

J'ai vu aussi Elia Suleiman, Tim Roth, Emmanuelle Devos, Leïla Behkti, Jean Dujardin, Ewan McGregor, Jean Paul Gaultier, Diane Kruger, Joshua Jackson, Isabelle Huppert, Marina Hands, Thomas Dutronc, Samuel LeBihan, Tahar Rahim, Suzanne Clément, Xavier Dolan et bien d'autres. Du beau monde.

Cannes est d'ailleurs l'endroit tout désigné, au mois de mai, pour voir les «beautiful people», comme disent les Français. Jeunes femmes sculpturales engoncées dans de courtes robes fourreau, jeunes hommes en smoking, cheveux mi-longs et barbe de trois jours. Le look officiel du parfait oiseau de nuit sur la Croisette, il faut croire.

J'ai fait quelques «soirées» cette année à Cannes. Parce que le lecteur a le droit de savoir. Et que je suis prêt à bien des sacrifices afin de rapporter une information juste et équilibrée. Vous ne me plaindrez pas, je sais, pris comme vous êtes dans cette crise qui m'a tenu moi aussi éveillé tard dans la nuit. J'en ai des bruits de casseroles plein la tête.

J'ai fait des soirées sous la pluie surtout. Ce qui explique peut-être pourquoi j'ai reçu plus d'invitations à Cannes cette année que toutes celles, réunies, depuis le début du millénaire. Les vrais VIP n'avaient pas envie de sortir. Il n'a pas fait très beau. Les trombes d'eau ont même fait s'effondrer une partie du toit de la salle du Soixantième. La pluie, on s'en fout un peu quand on passe sa journée au cinéma. Mais les fêtes en ont souffert.

Les feux d'artifice du dîner du 65e ont été reportés. Il a fallu que je retourne à une fête donnée par le Festival à l'Agora un autre soir, par rigueur journalistique, pour être bien sûr qu'on les avait allumés. Ce qui fut fait, j'en témoigne, à la fête donnée en l'honneur du Brésil, au son d'un groupe de bossa-nova. Je ne sais pas s'il y en avait aussi à la fête du Kirghizistan. Ou s'il y avait une fête du Kirghizistan. Je n'ai pas vérifié.

Je suis allé au dîner du 65e - le plus faste du Festival - ni pour les feux d'artifice ni pour rencontrer les Palmés d'or et autres stars du cinéma. J'y suis allé parce que ma collègue Marie-Claude Lortie m'en aurait voulu de ne pas y être. Et que mon ami Marc-André Lussier, nouveau détenteur d'un «badge blanc», accréditation réservée aux festivaliers les plus importants (je n'en ai pas; êtes-vous surpris?), m'a fait don de son invitation.

J'y suis allé parce que Pierre Gagnaire, l'un des chefs les plus réputés de France (trois étoiles Michelin), était aux fourneaux. Et que pour la classe ouvrière, non, y a vraiment rien de trop beau.

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Benicio le taureau

Ce n'est pas tous les jours que l'on rencontre une star hollywoodienne qui répond à des questions en huit mots maximum, en mâchouillant simultanément ses mots et un cure-dent. À ne pas confondre: l'esprit de concision et l'absence parfaite d'intérêt pour un intervieweur. Le job de journaliste est parfois passionnant, je vous assure.

Benicio del Toro, le beau Brummel des films de Soderbergh (Traffic, 21 Grams, Che) a rencontré des journalistes de la presse internationale au luxueux hôtel Martinez, jeudi, sur la Croisette, afin de faire la promotion de Sept jours à La Havane.

Ce film collectif sur la capitale cubaine, présenté dans le cadre de la section Un certain regard, a été coréalisé par Del Toro, le cinéaste franco-argentin Gaspar Noé (Irréversible), le Palestinien Elia Suleiman (Le temps qui reste), le Français Laurent Cantet (Entre les murs), l'Argentin Pablo Trapero (Leonera), l'Espagnol Julio Medem (Lucia y el sexo) et le Cubain Juan Carlos Tabío (Fresa y chocolate).

Une belle brochette de cinéastes, présentée la veille sur la scène de la salle Debussy, en compagnie d'Emir Kusturica (qui fait l'acteur dans le court de Trapatero), par le délégué général Thierry Frémeaux. Le résultat est forcément inégal (le sketch de Medem est d'un kitsch absolu, que l'on espère volontaire), mais l'ensemble reste intéressant en ce qu'il propose une vision kaléidoscopique de La Havane et de la réalité cubaine actuelle.

Sept jours à La Havane, dont les droits de distribution appartiennent à Films Séville, prendra éventuellement l'affiche au Québec. Je vous en reparle.

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Et la Palme est décernée à...

Ce n'est que mon point de vue, qui n'a rien d'un pronostic - les voix du jury sont impénétrables -, mais, s'il n'en tenait qu'à moi, sans avoir vu les derniers films de la compétition, j'accorderais la Palme d'or à De rouille et d'os de Jacques Audiard, histoire d'amour brute et émouvante, campée à Cannes et interprétée avec une fougue animale par Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts.

Jacques Audiard avait «raté» la Palme d'or avec Un prophète, le préféré des festivaliers (et Grand Prix du jury) en 2009, au profit du Ruban blanc de Michael Haneke. L'Autrichien pourrait de nouveau priver le Français de la récompense suprême du cinéma d'auteur grâce à Amour, un autre grand film, porté par Jean-Louis-Trintignant et Emmanuelle Riva, excellents.

À moins que la Palme ne soit plutôt remise au magnifique Au-delà des collines de Cristian Mungiu? On le saura demain.