Il y a de l'espoir pour les festivals de cinéma montréalais. Ce n'est pas rien, tellement on a été habitués au contraire depuis des années. Cet espoir, je l'ai perçu cette semaine dans l'enthousiasme et l'ouverture d'esprit de deux passionnés de cinéma.

Nicolas Girard-Deltruc et Pierre Corbeil, respectivement directeur général du Festival du nouveau cinéma (FNC) et président de Fantasia, ont annoncé mardi la présentation d'une rétrospective commune dans le cadre de leurs deux événements, consacrée au 100e anniversaire de la société de production et de distribution japonaise Nikkatsu.

Cette prestigieuse rétrospective, qui sera aussi présentée à Paris, Tokyo et New York, n'est que le début, on le souhaite, d'une collaboration accrue entre ces deux festivals complémentaires. Depuis le temps que l'on regarde avec impuissance les festivals de cinéma se livrer bataille à Montréal, au détriment des cinéphiles et de la réputation internationale de la métropole, voilà qui est de bon augure.

En septembre dernier, au Festival de Venise, le président de la SODEC François Macerola a formulé le souhait de voir les trois principaux festivals de cinéma montréalais, Fantasia, le FNC et le Festival des films du monde (FFM) s'allier, sous une bannière commune, afin de permettre à Montréal de s'afficher comme une ville de cinéma, du début de l'été jusqu'à la fin de l'automne. Vaste programme.

Comme il fallait s'en douter, le président du FFM, Serge Losique, a refusé de collaborer. C'est un terme qui ne fait pas partie de son vocabulaire. François Macerola, qui est un grand diplomate, est resté flou lorsqu'on lui a posé la question, mais malgré son invitation, Serge Losique n'a pas daigné rencontrer les autres dirigeants de festivals.

Nicolas Girard-Deltruc et Pierre Corbeil, en revanche, ont été ravis de faire connaissance, ce qui, étonnamment, n'avait jamais été fait. Ils se sont, de leur propre aveu, découvert des atomes crochus. D'où cette rétrospective de films japonais, contemporains et anciens, et la perspective d'autres collaborations à venir.

«On croit beaucoup à la synergie entre les deux festivals», a déclaré Nicolas Girard-Deltruc. «Nous espérons que cela va mener à d'autres collaborations dans le futur», a ajouté Pierre Corbeil, en évoquant la mise en commun de ressources et de «promotions croisées pour des publics potentiels». Il y a là, à tout le moins, une ouverture qui avait cruellement fait défaut à d'autres dirigeants de festivals dans le passé.

Serge Losique, d'un naturel obstiné, a fermé la porte à toute possibilité de rapprochement des autres événements cinématographiques de la métropole. Capitaine esseulé sur son vieux rafiot en ruine, il n'abandonnera pas le navire avant le naufrage. Certains diront que c'est tout à son honneur. J'estime plutôt que cet entêtement, trop longtemps toléré, aura fait des dommages irréparables.

François Macerola, qui rencontre fréquemment M. Losique, refuse de forcer la main de quiconque. «Il n'y aura pas de changements de dates. Les événements vont conserver leur autonomie et leur intégrité», dit-il, en se faisant rassurant. Ceux qui acceptent de collaborer auront cependant droit à des «incitatifs financiers».

Le président de la SODEC, qui voit bien sûr d'un bon oeil l'initiative du FNC et de Fantasia ainsi que les possibilités d'économies d'échelle qui en découlent, espère convaincre le gouvernement libéral de dégager plus d'argent pour les festivals de cinéma.

Car c'est bien d'argent public qu'il est question. Même si parfois, à la manière dont ils sont dirigés, on a l'impression que certains festivals, et pas seulement de cinéma, pourtant constitués en organismes sans but lucratif, sont gérés comme des entreprises familiales.

Sans le concours du FFM, François Macerola n'arrivera pas à concrétiser son «projet personnel» de voir naître un événement rassembleur qui chapeaute les principales manifestations cinématographiques de la métropole. Il a déjà revu à la baisse ses ambitions. Mais pour que son «branding» rêvé de «Montréal ville en images» existe, il faudra tout de même qu'il trouve un point d'ancrage.

Une multitude d'événements peuvent coexister, c'est même souhaitable. La diversité fait la force du paysage festivalier montréalais. Mais si Montréal compte redevenir une ville qui compte sur l'échiquier mondial des festivals de cinéma, il n'y a pas 36 solutions: il lui faut un événement phare.

En 2005, Téléfilm Canada et la SODEC ont géré de manière lamentable la création du seul et unique Festival international de films de Montréal (FIFM). Le Festival du nouveau cinéma, sous l'égide financière de Daniel Langlois à l'époque, avait été injustement écarté, dans des circonstances nébuleuses, au profit de l'Équipe Spectra. On connaît la suite.

Aujourd'hui, même affaibli depuis le fiasco du FIFM, le seul festival qui a le potentiel d'incarner le point d'ancrage du projet de François Macerola, à mon sens, est le Festival du nouveau cinéma. Son équipe de direction est dynamique et pragmatique. Claude Chamberlan, son directeur artistique, a un flair pour les films qui en valent la peine, et a toujours ses contacts dans le monde du cinéma.

Je crois que les jeunes loups à la tête du FNC comprennent qu'il est dans leur intérêt de demeurer un festival généraliste, au bénéfice d'une majorité de cinéphiles, et non pas un festival de niche, jouant sur les platebandes de Fantasia - qui connaît un succès retentissant auprès des amateurs de cinéma de genre.

Pierre Corbeil a bien raison lorsqu'il dit qu'il faut raviver l'enthousiasme des cinéphiles montréalais pour les festivals. Cet enthousiasme a cruellement fait défaut, depuis trop longtemps, pour des raisons évidentes. À l'apathie actuelle du milieu du cinéma, à l'immobilisme des têtes dirigeantes historiques, deux directeurs de festivals opposent la collaboration et l'ouverture d'esprit. Ça fait du bien.