Les études l'attestent et le confirment. Le consensus scientifique ne pourrait être plus clair. Laisser un enfant regarder la télévision avant l'âge de 2 ans n'est pas souhaitable pour son développement neurologique.

La consommation de télé chez les enfants en bas âge a entre autres été liée plus tard à des troubles de l'attention, à des retards de langage et d'apprentissage. Malgré les prétentions de certains producteurs de DVD, qui encouragent les parents à installer leurs bébés devant le petit écran afin d'en faire de petits Einstein...

«Avant l'âge de 2 ans, il n'est pas du tout recommandé de laisser un enfant regarder la télévision. La télé a un impact sur l'environnement familial. Les parents ne parlent pas autant aux enfants alors que les conversations actives sont les plus profitables pour le développement du cerveau», explique Linda Pagani, professeure à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal, qui a mené plusieurs études sur le sujet.

Après l'âge de 2 ans, il est généralement admis qu'une consommation de télévision excédant deux heures par jour peut également être néfaste pour le développement cognitif des enfants. «Les effets de la télévision ne sont pas tous négatifs, précise Linda Pagani. Mais trop de télévision peut certainement être néfaste.»

Ce sont de sages paroles. Elles ne le sont pas toujours. Sans vouloir minimiser l'impact de la télé sur la santé des enfants, il me semble que certains se servent parfois des études sur ses effets délétères pour justifier un rejet global et une diabolisation de la télévision. Parce que, comme chacun sait, la télé, c'est mal...

Le neurobiologiste français Michel Desmurget, directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de Lyon, a fait paraître récemment un pamphlet intitulé «TV lobotomie: la vérité scientifique sur les effets de la télévision», résultat de quatre ans de synthèse de quelque 5000 études sur les effets néfastes de la télévision. Selon ses conclusions, chaque heure quotidienne de télévision consommée par un enfant de 5 à 11 ans augmenterait de 43% la probabilité qu'il n'obtienne jamais de diplôme.

Dans une entrevue publiée dans le plus récent numéro de L'actualité, Michel Desmurget laisse entendre que «la télévision tue» et que les parents devraient savoir que laisser un enfant regarder la télévision une demi-heure avant d'aller à l'école est «suicidaire» sur les plans cognitif et intellectuel.

Mortel et suicidaire. Rien de moins. Pousse, mais pousse égal, comme dirait ma mère. Ce type de discours alarmiste, nourri à l'enflure et à la surenchère, nuit à mon sens à la crédibilité des études sur lesquelles s'appuient des spécialistes comme Michel Desmurget.

«Les discours alarmistes sont contre-productifs, croit aussi Linda Pagani. Les chercheurs ont le devoir de rester objectifs. Il faut aider les parents à comprendre le fonctionnement du cerveau en les informant et les sensibilisant. Pas pour les culpabiliser, mais pour les responsabiliser.»

La chercheuse appelle tout de même à davantage de contrôle parental. Et encourage les parents à s'intéresser non seulement à la quantité de télévision que consomment leurs enfants, mais au contenu des émissions qu'ils regardent.

La mise en garde est d'autant plus pertinente que l'émission la plus regardée au Québec l'automne dernier chez les 2 à 11 ans était... Occupation double (diffusée la semaine à 19 h 30). On est loin de Passe-Partout.

Dans le cadre de ses recherches, qui ont un rayonnement international, Linda Pagani a suivi plusieurs enfants de la naissance jusqu'à l'adolescence et constaté l'impact de la télévision regardée en bas âge sur le rendement scolaire, la capacité d'attention, la sédentarité et les comportements violents.

Elle a remarqué entre autres une augmentation nette, depuis quelques années, de la consommation télévisuelle chez les enfants de 2 à 4 ans. «Les parents oublient parfois que leurs enfants regardent aussi la télévision à la garderie», dit Linda Pagani, qui rappelle que plusieurs études établissent un lien entre la forte hausse des troubles de déficit d'attention chez les enfants et la vitesse stroboscopique des images des dessins animés dont ils sont bombardés.

C'est sans compter qu'on laisse de plus en plus le téléviseur allumé, en fond sonore, dans les foyers, sans se soucier de ce qui est diffusé. Une étude récente de l'Université de la Pennsylvanie a démontré qu'un enfant américain est exposé en moyenne à 232 minutes de télévision par jour alors qu'il n'est même pas devant l'écran.

«La télévision fait désormais partie des meubles. Elle est constamment allumée. Mais cela n'est pas sans conséquence», croit la professeure Pagani, coauteure d'une nouvelle étude, menée auprès de 2120 enfants québécois depuis l'âge de 5 mois jusqu'à 8 ans et qui démontre que ceux qui sont exposés à des scènes de violence à la télévision en subissent les répercussions à long terme.

«Comme parent, dit cette mère de trois adolescents, il faut faire preuve de vigilance. On ne peut pas laisser les enfants à eux-mêmes.» D'autres sages paroles.