Il a l'âge d'être papi. Elle vient d'avoir 27 ans. Ils forment un couple atypique qui intéresse beaucoup la presse à potins. Il possède un domaine à la campagne et des voitures de luxe. Elle a un nom qui ne s'invente pas. Il est célèbre. Elle rêvait d'être devant les caméras. C'est fait.

Claude Dubois a, depuis mardi, sa propre téléréalité (à V). Comme Ozzy Osbourne, Gene Simmons et Michèle Richard avant lui. Sa blonde brune, Crystal Miller, s'y affiche en abondance, avec leur fille de 3 ans et son garçon - à elle - de 8 ans (sans parler du «profil échographique» de leur enfant à naître...).

Je ne crois pas être le seul à avoir pensé, en apprenant la nouvelle de ce projet télévisuel particulier, que Claude Dubois avait perdu la tête (les effets secondaires d'une mauvaise teinture, de cellules brûlées par la dope, du vaccin contre la H1N1?) et que sa douce moitié en profitait.

Il y a, à l'évidence, un peu du scénario classique de «la belle et Dubois dormant» (s'cusez-la) dans la genèse de cette téléréalité. Crystal Miller, que l'on pourra voir la semaine prochaine dans un cours de chant avec Joanne Blouin, souhaite sans doute que Dubois en réalité lui serve de tremplin professionnel. Une façon comme une autre d'éviter la file d'attente...

«Moi, j'ai vraiment rien à perdre, dit-elle d'entrée de jeu dans le premier épisode. Claude a bien plus à perdre que moi: 50 ans de carrière. Lui devrait avoir peur, pas moi.» (Le téléspectateur n'a du reste pas grand-chose à perdre non plus, sinon du temps précieux qu'il ne reverra plus.)

À première vue, les péripéties télévisuelles de la famille Dubois ne sont pas bien différentes des autres téléréalités du genre. Il ne s'y passe, pour ainsi dire, rien. «Aujourd'hui, on s'est levés tranquillement et on a déjeuné», résume Crystal. Claude prépare des oeufs pour sa fille qui n'aime pas sa cuisine. Crystal parcourt avec effort plusieurs magazines afin de trouver son nouveau look «sexy». Claude, caricaturant un coiffeur homosexuel, lui conseille de ne rien changer.

Crystal révèle en primeur qu'elle aime faire son épicerie «rangée par rangée», en commençant par les fruits et en finissant par «les gâteries». Pendant que Claude, cet incorrigible rebelle, s'égare dans l'allée des chips en peinant à choisir entre «BBQ mesquite» et «Sel de mer et vinaigre balsamique», sa belle le sermonne: «C'est pas bon pour ta tension; c'est pas bon pour ma cellulite.»

Leurs conversations, édifiantes, semblent aussi naturelles que les ingrédients actifs du Cheez Whiz. Papa gâteau se sert de sa fille mimi pour en passer de petites vites à maman grano avant d'arriver à la caisse. Passionnant. On vient de meubler 10 minutes de temps d'antenne. Pause pub. Le temps pour le téléspectateur de se poser cette question: qui se moque de qui?

Car sous ses airs doucereux de reportage à la Sucré salé (Dubois nous dévoile sa collection de disques, il rencontre son ami Guy Lafleur au restaurant, etc.), malgré son objectif évident d'assouvir les désirs d'exhibitionnisme des uns et le voyeurisme des autres, Dubois en réalité est aussi une formidable opération de relations publiques, réglée au quart de tour.

Claude Dubois a beau être un monument de prétention («Ça ne m'intéresse pas, l'opinion de qui que ce soit», dit-il), il a beau parfois manquer de jugement, il n'est ni gâteux ni dupe. Il en a vu d'autres, comme il dit. Aussi, s'est-il assuré d'avoir le dernier mot sur le montage de l'émission et conserve les droits sur tous les enregistrements. Ce n'est pas un hasard si le premier épisode commence par une sorte de justificatif de sa participation à une téléréalité. C'est «son» émission. Sa plateforme d'autopromotion, autant que celle de sa compagne (enfants à l'appui). On est plus près de la biographie autorisée que de l'approche documentaire traditionnelle, mettons.

Pour lui et ses amis, Claude Dubois s'est payé (c'est lui, dans les faits, qui est payé!) l'équivalent d'une longue chronique hebdomadaire chez Dumont, où il peut livrer son opinion plus ou moins éclairée sur tout et sur rien. Une tribune de choix pour ses commentaires éditoriaux sur l'appareil étatique québécois, le fédéralisme canadien et «le service médical (qui) est dans la marde...».

Une demi-heure de télévision pour redorer un blason quelque peu terni ces derniers mois. Pour montrer son bon profil grâce à des rencontres sympathiques (Armand Vaillancourt la semaine prochaine), des effets dramatiques calculés, et une invitation parfaitement contrôlée dans une intimité mi-feinte.

On croyait rire des facéties pathétiques d'un chanteur has been en manque de publicité? M'est avis que c'est Claude Dubois qui est mort de rire.

Photo: David Boily, La Presse

Claude Dubois, sa conjointe Crystal et leur fille Melody Cléa.