Ronnie James Dio est mort dimanche d'un cancer de l'estomac. C'était l'archétypal chanteur de heavy metal de son époque. Une voix puissante et cristalline, pouvant atteindre sans effort les suraiguës, tout en maîtrisant, le souffle suivant, les notes les plus graves.

Cheveux longs clairsemés, costumes vaguement médiévaux ou veston de cuir à franges, paroles aux thématiques sataniques et personnage scénique à l'avenant, Dio, né Padovana, n'échappait pas aux stéréotypes du métal hurlant des années 80. Au contraire, il les embrassait.

Mephisto au vibrato opératique sur fond de riffs de guitare lourds, la crinière brûlée par un abus de fixatif. Un personnage de caricature, digne du célèbre faux documentaire de Rob Reiner, This Is Spinal Tap. On ne doute pas un instant qu'il brûle, avec bonheur, en enfer.

Ronnie James Dio avait été repêché par l'ex-Deep Purple Ritchie Blackmore dans Rainbow, au milieu des années 70, puis était devenu, au tournant des années 80, le successeur d'Ozzy Osbourne dans Black Sabbath, avant de fonder son propre groupe. Son malheur aura peut-être été d'être sans cesse comparé, d'abord à Ian Gillan de Deep Purple, dont il partageait le style vocal, puis à Ozzy, véritable figure emblématique de Sabbath.

Selon la légende, c'est pourtant Dio qui a popularisé les fameuses «Devil's Horns» (cornes du Diable), symbole de l'Internationale métal: index et auriculaire vers le haut, le reste de la main fermée en poing. Il prétendait que sa propre grand-mère italienne faisait à l'époque le signe de la «corna» pour chasser le «mauvais oeil» et pour jeter des sorts à ses ennemis, une superstition toute méditerranéenne.

Ronnie James Dio est mort à 67 ans. Pour nourrir son mythe, il eut sans doute été préférable qu'il meure à 66 ans (les «deux tiers» du nombre de la bête). À cet âge vénérable, il arpentait toujours les scènes du monde avec le groupe Heaven and Hell, du titre de son plus célèbre album avec Black Sabbath, en compagnie de Tony Iommi, du bien nommé Geezer Butler et de Vinny Appice.

Pourquoi je vous parle de Dio aujourd'hui? Parce que je fus, mine de rien à l'adolescence, un fan de Black Sabbath (je tiens encore Paranoid pour l'un des disques importants de l'histoire du rock). J'avais les cheveux bien assez longs pour faire du «headbang», j'étais un lecteur fidèle de Metal Edge et je pouvais distinguer facilement un solo de Randy Rhoads d'un solo de Zakk Wylde.

Mais je vous en parle surtout parce qu'il y a à mes yeux quelque chose de cruellement antinomique à voir un chanteur de heavy metal mourir (plus ou moins) de vieillesse. D'une surdose de coke, d'un accident de voiture, d'un plongeon mal calculé dans une piscine, du haut d'un bungalow, sous le regard de fêtards imbibés et décadents, peut-être. Mais d'un cancer de l'estomac, à presque 70 ans? Quoi qu'il en soit: Devil, mon Ronnie.

Sucre brun

Le monde de l'humour a reconnu son talent il y a déjà un moment, mais j'ai l'impression que le grand public commence tout juste à le découvrir. Après un passage remarqué à Tout le monde en parle il y a quelques semaines, l'humoriste Sugar Sammy, 34 ans, qui a grandi dans le quartier Côte-des-Neiges auprès de parents indiens, a probablement offert le numéro le plus comique du gala Les Olivier dimanche.

Stand-up baveux et imitateur talentueux qui s'amuse des clichés multiethniques de manière grinçante, Sugar Sammy est déjà une star au Canada anglais et s'impose de plus en plus aux États-Unis, où il a eu le privilège d'une spéciale de la chaîne HBO. Il fait salle comble à Mumbai, a tourné partout dans le monde, mais c'est à Montréal, sa ville natale qu'il concentre ses efforts depuis quelques semaines.

«Mon rêve, c'était de revenir ici pour faire des Kiwis et des hommes», a-t-il déclaré dimanche, avec beaucoup de dérision, avant d'oser quelques blagues peu flatteuses pour le Québec, même en compagnie de Pauline Marois, en représentation comique au gala des humoristes (décrit par Sugar Sammy comme «votre petit gala sympathique»).

Cet enfant de la Loi 101, qui maîtrise parfaitement le français (en plus de l'anglais, le hindi et le punjabi) joue habilement avec le feu, se moquant des complexes, des aspirations et des travers des Québécois. À tout moment, on sent qu'un public le moindrement susceptible pourrait se retourner contre lui.

En l'observant dimanche, j'ai pensé que Sugar Sammy, né Samir Khullar, incarnait le contraire de l'artiste français obséquieux, venu nous dire comme nous sommes formidables, accueillants et charmants, avec «notre pragmatisme américain et notre art de vivre européen» (marque déposée). Et j'ai trouvé ça drôlement rafraîchissant.

 

Photo: AFP

Selon la légende, c'est Ronnie James Dio qui a popularisé les fameuses «Devil's Horns» (cornes du Diable), symbole de l'Internationale métal: index et auriculaire vers le haut, le reste de la main fermée en poing.