Sean Penn est un colérique, un impulsif, un ex-»bad boy» qui ne s'assagit pas tellement avec l'âge. Cela participe de son charme de chat de ruelle. Trop de gens célèbres ne s'expriment qu'en clichés pour qu'un peu de spontanéité politiquement incorrecte ne soit la bienvenue.

Aussi, interviewé le week-end dernier à l'émission Sunday Morning, sur les ondes de CBS, à propos des critiques formulées dans la foulée de son récent périple en Haïti, l'acteur de Mystic River a eu ces mots sentis pour ses détracteurs: «Est-ce que je leur souhaite de mourir dans la douleur, du cancer du rectum? Oui. Mais je ne gaspillerai pas d'énergie avec ça.» Ouille.

De passage à la fin janvier à Port-au-Prince, Sean Penn a entre autres distribué un millier de filtres à eau et visité une clinique médicale en compagnie de médecins et de gens d'affaires américains, avec qui il a mis sur pied une fondation privée pour venir en aide aux victimes du séisme. «Nous sommes ici pour être certains que l'aide va aux bonnes personnes», a-t-il déclaré.

Présomptueux, Sean Penn? De l'avis de ses critiques, sans doute. Nombre d'Américains veulent bien voir en lui une caricature de gauchiste hollywoodien, voyageant de l'Irak en Haïti, en passant par La Nouvelle-Orléans, se mêlant de politique internationale et d'aide humanitaire pour mieux flatter son ego boursouflé.

Ceux-là rappellent que Penn a un passé violent (notamment avec les femmes) et qu'il s'est récemment divorcé de la comédienne Robin Wright pour discréditer son «opération haïtienne» comme une nouvelle tentative de redorer son blason.

Il y a bien sûr un air de déjà-vu dans ce débat sans issue. Si l'on peut regretter qu'un John Travolta monopolise la piste d'atterrissage de Port-au-Prince avec son avion privé, en pleine crise, pour y transporter des vivres mais aussi ses codisciples de l'Église de Scientologie, il est difficile de reprocher à des célébrités de se servir de leur notoriété pour une bonne cause.

Qu'une vedette se rende utile sur le lieu d'une catastrophe plutôt que de pavaner sans dessein comme une Paris Hilton sans bobettes dans le seul but d'attirer le regard des photographes n'est pas condamnable en soi. On ne peut être contre la vertu. Sauf qu'on peut se lasser de voir des rock stars s'ériger en sauveurs de l'Afrique ou entendre un acteur s'improviser superviseur de l'aide humanitaire en Haïti.

Tout dépend de l'intention. Et du nombre de caméras. Que les vedettes le veuillent ou non - et souvent, on peut présumer qu'elles sont consentantes -, les caméras de télé ne les suivent jamais de très loin. Qu'elles fassent leur magasinage sur Rodeo Drive ou qu'elles distribuent des appareils de radiologie à Pétionville.

Intuitivement, sans doute parce que j'apprécie son travail, que je partage plusieurs de ses idées et que j'apprécie ses manières «no bullshit», j'ai trouvé qu'on avait fait un procès d'intention injuste à Sean Penn à son retour de Port-au-Prince. Il ne s'y est pas rendu, à l'évidence, pour trouver des caméras.

Puis, pendant la semaine de relâche, j'ai lu le nouveau roman de Gilles Leroy, Zola Jackson, à propos d'une vieille dame entêtée qui refuse de se séparer de sa chienne et de quitter sa maison de La Nouvelle-Orléans après l'ouragan Katrina. L'auteur d'Alabama Song y fait mention de Sean Penn, qui s'est porté au secours des sinistrés, en des termes peu flatteurs.

«Les vaches coulent à pic, les génisses se débattent encore, luttent encore, meuglent encore. Les jeunes veaux flottent, si pâles, leur tête alanguie sur l'oreiller d'eau, et les chevaux, pattes raidies, sombrent en faisant leurs yeux de fou, les juments et les poulains retroussent leurs lèvres comme s'ils allaient partir d'un grand rire grotesque, mais vous n'avez rien à faire des poulains ni des pouliches, Mr Sean, vous n'avez plus assez de coeur pour vous en soucier, ou alors un coeur si endurci, si pétri de la vanité d'être homme, que vous nous croyez au-dessus du lot, tout en haut de la pyramide de ce règne animal, et vous n'avez pas un regard à perdre sur les degrés inférieurs.»

On peut compter le nombre de caméras. Mais comment mesure-t-on la vanité?

 

Photo: Reuters

De passage à la fin janvier à Port-au-Prince, Sean Penn a entre autres distribué un millier de filtres à eau et visité une clinique médicale.