On a parlé du gala des prix Gémeaux en long et en large. Avant, pendant, après. Du bon et du moins bon. De la bedaine de Véro, de l'enfant à naître de Véro, de l'accouchement de Véro, et du camouflet infligé aux interprètes des Invincibles. Ce dont on a le moins parlé? De ceux qui n'y étaient pas.

Depuis des années, TVA, feu TQS (pour leurs productions internes), Fabienne Larouche et Julie Snyder boycottent les Gémeaux. Pour des raisons que l'on a pratiquement oubliées et qui échappent peut-être même aux principaux intéressés. «Chériii? Pourquoi on boycotte les Gémeaux, déjà?

- Aucune idée, Minou.»

En 2003, les enfants boudeurs de la cour d'école - «Si vous ne me laissez pas gagner, je ne joue plus, gnan!» - ont accepté de regagner le monde des adultes (à défaut d'autre chose). Ça n'a pas duré. Fortier n'a pas eu de prix malgré 182 nominations, Star Académie n'a pas reçu le trophée, pourtant mérité, de l'émission s'étant le plus illustrée régionalement dans le déraillement vocal, et l'émission-phare de TQS, Les quilles, a abouti dans le dalot des Gémeaux. Scan-dale.

Malgré les courbettes et les salamalecs de Guy Fournier, qui s'est esquinté à diluer sa formule (on lui doit les ridicules «Immortels») afin que tout le monde ait la fausse impression d'y trouver son compte, le gala des prix Gémeaux s'est retrouvé noyé à Canal D, sans animateur, en compétition directe avec Tout le monde en parle. Félicitations pour votre beau programme.

En 2005, on a cru que c'en était fait des prix Gémeaux, que les dissidents avaient eu leur peau. Nenni. Le gala strass et paillettes de la télévision québécoise est aujourd'hui plus fort que jamais - accueil public et critique à l'avenant - sous la houlette inspirée de Véronique Cloutier (dont le père, ironiquement, comptait au départ parmi les fameux boycotteurs).

Je me suis demandé ce week-end si une hypothétique fin du boycottage des TVA, ex-TQS et compagnie aurait changé quoi que ce soit au palmarès des prix Gémeaux, dimanche soir. La réponse me semble aussi claire que celle de Mme Lamarche dans la parodie de Taxi-022 (à qui le faux Rogatien demandait: «Je vous emmène à TVA?»): pas vraiment, non.

Peut-être que le prix du public aurait été attribué à Star Académie (si l'on se fie à ses cotes d'écoute extraordinaires), mais je doute que quelque catégorie majeure aurait été bousculée par le retour au bercail des enfants prodigues.

Sans doute y aurait-il eu quatre finalistes plutôt que trois dans la catégorie du meilleur téléroman, gracieuseté de Virginie. Le gala aurait duré 10 secondes de plus, mais le résultat aurait été le même. Les prix Gémeaux, n'en déplaise à certains, récompensent non pas la quantité, mais la qualité des textes.

TQS, au terme de son annus horribilis, n'avait rien à offrir de signifiant aux membres votants des Gémeaux, sinon le talk-show d'Érick Rémy dans la catégorie meilleure émission d'humour (involontaire).

Forte de sa nouvelle programmation, V voudra peut-être réintégrer la grande famille aimante et conviviale de la télévision (j'ironise, ici). Des discussions ont déjà eu lieu entre les dirigeants de V et l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision à ce sujet.

S'il avait existé, le trophée de la téléréalité la plus disgracieuse aurait pu consacrer le travail colossal fait en ce sens par l'équipe d'Occupation double (qui a diffusé les images d'une candidate de 19 ans filmée à son insu pendant ses ébats sexuels). Aussi, il faudra attendre un amendement aux règlements de l'Académie pour que puisse enfin être célébrée à sa juste mesure la catégorie Jeu bancal dégoulinant de bons sentiments mettant en vedette un trisomique que l'on paie pour pousser la popularité d'un freak show.

Ajoutez à cela quelques enfantillages de circonstances - TVA déconseille aux vedettes de ses productions internes de participer au gala des prix Gémeaux; Canoë a décidé à la dernière minute de ne plus diffuser le gala d'après-midi - et vous avez la confirmation de ce que je soupçonne depuis toujours: les boycotteurs ne font de tort qu'à eux-mêmes.

Comme un enfant boudeur qui, par orgueil, se tient à l'écart du jeu de kick la cacane. En oubliant bientôt pourquoi il s'est exclu de la fête.

 

Photo: Bernard Brault, La Presse

Le gala strass et paillettes de la télévision québécoise est aujourd'hui plus fort que jamais - accueil public et critique à l'avenant - sous la houlette inspirée de Véronique Cloutier, que l'on voit ici dans un «bedaine à bedaine» avec le comédien Antoine Bertrand.