Tout n'est pas rose à Radio-Canada. Le diffuseur public affiche un manque à gagner d'environ 60 millions de dollars pour l'exercice financier en cours, en raison de la chute des revenus publicitaires, et tout indique que la situation ne s'améliorera pas dans la prochaine année.

Des emplois, des services et la programmation de la société d'État seront touchés, selon une note interne envoyée cette semaine aux employés de CBC/Radio-Canada par son président-directeur général Hubert Lacroix.

 

On sait déjà que des émissions jugées trop coûteuses, comme Le match des étoiles, ne seront pas reconduites la saison prochaine. Afin de faire face à un contexte économique difficile, la SRC s'apprête également à remanier sa grille du samedi soir, ai-je appris de source sûre.

L'émission de Marc Labrèche, 3600 secondes d'extase, devrait quitter sa case-horaire ingrate du samedi 20 h pour une diffusion à heure de grande écoute en semaine. Le moment de vérité, animée par Patrice L'Écuyer à 19 h, serait sacrifié, et Radio-Canada en profiterait pour présenter un film en soirée, à beaucoup moindre coût.

D'autres économies seront vraisemblablement réalisées dans la grille. Des rumeurs persistantes font subir au service des sports les contrecoups des compressions budgétaires et des émissions comme la quotidienne Pour le plaisir, animée par France Castel et Michel Barrette, risquent aussi de faire les frais de cette cure minceur.

Moins de nouveautés sont également à prévoir pour la saison 2009-2010. Aveux, une série écrite par Serge Boucher et mettant en vedette Maxime Denommée, sera en ondes, comme la suite de La galère, prête pour diffusion depuis un moment. Ces projets sont cependant prévus depuis un certains temps.

Bref, la programmation de la télévision de Radio-Canada risque d'être au diapason de la crise économique au cours des prochains mois. Espérons seulement que la SRC n'en sera pas réduite, comme la CBC, à diffuser en début de soirée des jeux télévisés poussiéreux comme Jeopardy! et Wheel of Fortune en version québécoise. De grâce, épargnez-nous les retours de Réal Giguère et de Donald Lautrec...

Pourquoi le diffuseur public en est-il rendu à diffuser sur sa principale chaîne anglaise de vieux jeux télévisés américains? «La raison est simple: il en coûte 10 fois plus pour produire une émission canadienne de qualité comme The Border que de diffuser 60 minutes de Wheel of Fortune», a répondu hier midi M. Lacroix, devant l'Empire Club du Canada à Toronto.

Cette franchise, si elle est rafraîchissante, n'est pas pour autant rassurante. Elle témoigne de difficultés économiques qui ne vont pas dans le sens d'une croissance de contenus originaux, bien au contraire. Hubert Lacroix demande de la part du gouvernement Harper une plus grande souplesse financière, en souhaitant que des crédits fédéraux soient livrés plus tôt afin de limiter le déficit.

Le ministre des Finances Jim Flaherty a déclaré cette semaine que le milliard de dollars de crédits destiné à Radio-Canada constituait une somme bien suffisante pour la télé publique. Traduction libre: arrangez-vous avec vos troubles.

L'automne dernier, avant le déclenchement des élections, le Parti conservateur a envoyé à ses membres un sondage dans lequel il remettait clairement en question le bien-fondé d'investir ce milliard de dollars annuellement dans CBC/Radio-Canada. L'ancienne ministre du Patrimoine Bev Oda n'a d'ailleurs jamais caché son souhait de voir réduire la taille de Radio-Canada.

On comprend les partis de l'opposition de s'inquiéter que les conservateurs ne réduisent en douce les budgets de la société d'État. On comprend aussi certains de craindre que la crise économique ne serve de prétexte au gouvernement Harper pour couper les vivres à un diffuseur considéré comme un repaire de souverainistes gauchisants.

Je ne vois pas pourquoi la croisade idéologique menée par les conservateurs sur d'autres fronts épargnerait une société d'État mal aimée, fragilisée par la crise économique.

Le mystère Sarandon (bis)

Ma chronique sur la mystérieuse disparition de Susan Sarandon de bulletins de vote des Jutra m'a valu quelques réactions hier. Entre autres celle de Pierre Fauteux, de la firme comptable Fauteux, Bruno, Bussière, Leewarden (FBBL), qui n'apprécie guère d'être associé à une gestion bancale des Jutra. Je le comprends.

Ainsi donc, précise M. Fauteux, l'inclusion de Susan Sarandon parmi les finalistes au Jutra de la meilleure actrice s'explique par une erreur sur un premier bulletin, qui omettait le nom de la comédienne, et qui a été corrigée par un second bulletin annulant le précédent. Aucun des bulletins erronés, assure le comptable, «n'a été pris en compte ni en considération dans notre compilation des votes». Voilà une bonne nouvelle.

M. Fauteux prétend par ailleurs que ma chronique contient des allégations non fondées à l'effet que «le nom de Susan Sarandon ne figure pas sur le bulletin de vote de la meilleure actrice, envoyé par les organisateurs de la Soirée des Jutra à des acteurs et actrices qui sélectionnent les finalistes dans cette catégorie» et me demande de corriger «les erreurs ayant apparues (sic)» dans mon article.

C'est ici que les choses se compliquent. Mes allégations sont, heureusement ou malheureusement (c'est selon), fondées. Ce bulletin existe. J'en ai une copie en main. Il a été envoyé à des acteurs. Certains, contactés mercredi, m'ont confirmé que le nom de Susan Sarandon n'y apparaissait pas. Ils m'ont aussi précisé qu'ils n'avaient jamais reçu de deuxième bulletin.

Mercredi, j'ai eu vent de l'existence de ce second bulletin de vote envoyé à certains acteurs. J'en ai fait part à Henry Welsh, délégué général de la Soirée des Jutra, en lui demandant des explications. M. Welsh a nié l'existence même du premier bulletin erroné. La semaine dernière, il a aussi nié l'existence d'une liste de finalistes aux Jutra désignée par un jury exploratoire, me précisant que cette pratique non concluante avait été abandonnée il y a quelques années. Cette liste, heureusement ou malheureusement (c'est selon, toujours), existe. J'en ai aussi une copie en main.

Tout ça pour dire, M. Fauteux, que si j'avais à écrire cette chronique de nouveau, j'ajouterais avec plaisir vos précisions, sans cependant en altérer de quelque façon le propos. Des acteurs, censés voter aux Jutra, ont reçu un bulletin de vote qui ne contenait pas le nom d'une éventuelle finaliste. Ils n'ont jamais reçu un autre bulletin les avisant d'une erreur. Il y a lieu de se poser des questions. C'est ce que j'ai fait.