Les trois débats télévisés, brillamment gagnés par Hillary Clinton, ont fait miroiter une défaite certaine de la catastrophe ambulante qu'est Donald Trump. Hélas, le suspense est revenu.

Même si la plupart des sondages prédisent une courte victoire à la candidate démocrate, il reste des inconnues, dont la Floride, qui pourrait une fois de plus faire pencher la balance, comme en 2000, lors du combat entre George W. Bush et Al Gore.

Dans ce contexte tendu, le vote des Noirs sera déterminant en Floride tout autant que dans d'autres États du Sud.

Or, si la population afro-américaine est massivement derrière les démocrates, une grande partie des Noirs ne votent pas. Soit parce qu'ils considèrent que leur vote ne changera rien à leur vie de misère, soit parce que dans certains États où le racisme reste virulent, tout a été fait pour les décourager d'aller voter.

Ici, on exige une carte d'identité avec photo - or, les Noirs les plus défavorisés n'en ont pas, faute de permis de conduire. Là, on a installé les bureaux de vote loin des districts majoritairement noirs...

De telles tactiques étaient illégales depuis 1965. Mais en 2013, la Cour suprême a décidé d'abolir ces garde-fous érigés par Lyndon B. Johnson, sous prétexte que les choses avaient changé et que des dispositions spéciales contre la discrimination n'étaient plus nécessaires. Libre donc aux États, seuls maîtres des procédures de votation, de recourir aux anciennes tactiques racistes. Mutatis mutandis, cela peut aussi avoir pour effet de dissuader les plus démunis des hispanophones d'aller voter.

Dans une course serrée, tous les votes comptent. Y compris ceux des moralisateurs à l'esprit obtus qui font passer la rigidité idéologique avant l'intérêt national. Exemple, l'actrice Susan Sarandon, qui trouve Hillary Clinton « trop corrompue », et qui va voter pour Jill Stein, la candidate des Verts. Cela n'avancera pas la cause écologique d'un iota, pas plus que Ralph Nader, en 2000, n'a fait avancer la cause des consommateurs... sauf que si Nader s'était abstenu de gâter la sauce, c'est Al Gore plutôt que George W. Bush qui serait devenu président !

Autre obstacle devant Hillary Clinton : l'Obamacare.

À la fin d'octobre, les souscripteurs du programme d'assurance santé établi par le président Obama ont reçu un avis stipulant que les primes exigées par les compagnies d'assurances allaient augmenter substantiellement (de 25 % dans certains cas) après le 1er novembre.

Cela touche au portefeuille de la petite classe moyenne - ceux qui n'ont pas d'assurance santé via leur employeur, mais qui ne sont pas assez pauvres pour bénéficier de la gratuité du Medicaid. Cela fait beaucoup de monde qui rage en ce moment contre Obama et Hillary Clinton, dont le nom est lié à ce programme parce qu'elle a tenté d'en instituer un semblable sous la présidence de son mari.

Dès que ces hausses ont été annoncées, Trump a commencé à remonter dans les sondages. C'était une semaine avant que le directeur du FBI, dans une déclaration qui a eu l'effet d'un coup de massue sur la campagne démocrate, n'annonce la réouverture de l'enquête sur les courriels de l'ancienne secrétaire d'État.

Cette nouvelle tuile est d'autant plus explosive que la masse de nouveaux courriels que le FBI examine a été trouvée sur un ordinateur personnel que se partageaient Huma Abedin, la première collaboratrice et la confidente de Mme Clinton, et son ex-mari Anthony Weiner, un ex-candidat à la mairie de New York qui a été le « héros » de scandales sexuels particulièrement sinistres (il envoyait à de très jeunes femmes des photos de lui avec son pénis en érection).

C'est en enquêtant sur un nouveau scandale, portant cette fois sur des textos suggestifs que M. Weiner a adressés à une adolescente de 15 ans, que le FBI est tombé sur quelque 650 000 messages provenant de la correspondance entre Mmes Clinton et Abedin.

Cet épisode ajoute une note sordide à la controverse récurrente des courriels qu'Hillary Clinton a adressés à partir de son serveur privé et non sécurisé alors qu'elle était responsable des Affaires étrangères et de la sécurité de l'État. Un électeur même sympathique aux démocrates peut avoir la nausée à l'idée que la secrétaire d'État partageait, par l'intermédiaire de Mme Abedin, ses courriels confidentiels avec un pervers sexuel.

Mais bon, on s'entend. Tout et n'importe quoi plutôt que Donald Trump...