Derrière la figure abîmée du président François Hollande, deux hommes attendent leur tour.

Deux jeunes loups dynamiques, beaux comme de jeunes premiers, deux sociaux-démocrates résolus à en finir avec le socialisme dogmatique et à libéraliser l'économie : Manuel Valls, le premier ministre qui a déjà mené dans les sondages, mais que les déboires de l'exécutif ont entraîné vers le bas. Et le ministre de l'Économie Emmanuel Macron, la vedette montante, l'électron libre qui se permet toutes les audaces et qui est populaire autant à droite que dans la gauche modérée.

L'ascension médiatique de ce rival imprévu gruge manifestement le premier ministre Valls.

La télévision où il est omniprésent, allant d'une crise à l'autre, l'illustre cruellement :  il a maigri, il promène partout un ton cassant, un air maussade et irrité. Le séduisant Catalan a désormais le sourire rare et contraint.

Le mois dernier, Emmanuel Macron faisait la une de tous les hebdomadaires. Tout en louant ses qualités de futur leader et son passé de premier de classe, les médias raffolent de son histoire d'amour avec sa femme Brigitte, son ancienne professeure de français au lycée, une jolie grand-mère de sept petits-enfants dont le chic et l'élégante maigreur font illusion. Ils se sont connus alors qu'il avait 18 ans et qu'elle en avait 20 de plus.

Paris Match, jamais en reste d'hyperbole, titrait à la une, au-dessus de la photo du couple marchant main dans la main : « Ensemble, en route vers le pouvoir ! ».

Exit le couple Valls, qui était il y a peu le chouchou des médias. On avait facilement pardonné à son épouse, la violoniste Anne Gravoin, sa vacherie lancée à l'endroit de la femme du premier ministre d'alors, Jean-Marc Ayrault :  « Violoniste, c'est quand même plus glamour que prof d'allemand ! ».

Les médias sont moins indulgents aujourd'hui. L'Obs publiait récemment un long reportage sur les agissements troubles de Mme Gravoin, qui s'est fait « offrir » un orchestre par des magouilleurs liés aux sombres réseaux de la Françafrique, afin qu'elle puisse jouer avec des musiciens reconnus internationalement. S'agissant de la femme du premier ministre de France, ces drôles d'accointances ont de quoi soulever d'énormes soupçons de conflit d'intérêts.

Dans le chemin de croix qu'est devenu son séjour à la tête du gouvernement, Manuel Valls en est à sa nième station.

Il était le vrai porteur du projet de réforme du Code du travail, défendu nominalement par la ministre El Khomri. Encore un échec... Le projet, âprement contesté par les syndicats et jugé décevant par le patronat, a été imposé sans vote de l'Assemblée nationale par une procédure d'exception, faute de pouvoir compter sur une majorité de députés socialistes.

Les manifestations contre la loi El Khomri se sont succédé toute la semaine, parasitées par des groupes de casseurs si violents que les syndicats de policiers (dont plus de 350 ont été blessés) organisent à leur tour des manifestations contre « la haine anti-flics ». Sans compter les grèves de routiers et dans les transports publics...

Pendant ce temps, Emmanuel Macron qui, lui, n'a pas le poids du gouvernement sur les épaules, met sur pied ses armées. Il fonde « En marche ! » (notez la correspondance des initiales), un mouvement qui palliera l'absence d'organisation électorale de ce ministre qui n'a jamais été élu, étant venu à la politique par le cabinet de François Hollande après un passage à la Banque d'affaires Lazard.

Il ne se prive pas de se mêler des dossiers de ses collègues (il a causé un incident diplomatique en menaçant le Royaume-Uni de lui envoyer les migrants de Calais s'il se retirait de l'Europe), mais ses réalisations, comme ministre, sont assez minces. La plus importante a été l'ouverture partielle des magasins le dimanche.

Si François Hollande renonce à briguer un second mandat, ou s'il doit se soumettre à une primaire (ce qui serait une humiliation inusitée pour un président en exercice), les deux « Manu » seront-ils sur la ligne de feu ? Chose certaine, ce duel n'est pas près de finir.