Tous les couples sont un mystère, même pour leurs plus proches amis. On ne sait jamais vraiment ce qui se passe dans le secret des vies conjugales. Aussi serait-il bien présomptueux d'épiloguer sur les causes profondes du drame humain qui se répercute aujourd'hui sur le Parti québécois. Mais comme la vie privée du couple Snyder-Péladeau a été si abondamment étalée en public, par eux-mêmes d'ailleurs, et qu'il y a manifestement un lien direct entre l'entrevue de Julie Snyder à Tout le monde en parle et l'abrupte démission de Pierre Karl Péladeau, survenue moins de 24 heures plus tard, il est difficile d'éviter les interrogations.

Pierre Karl Péladeau a-t-il été bouleversé par la surprenante déclaration d'amour que lui a lancée Julie Snyder ? Quand elle a dit que le jour où il l'a demandée en mariage a été le plus beau jour de sa vie ? Quand elle a eu cette phrase magnifique : « Mes repères, mes frontières, mon pays, c'était Pierre Karl ». Moi, en tout cas, ce que j'ai vu à l'écran, c'était le visage rayonnant d'une femme amoureuse.

A-t-il éprouvé un sentiment de culpabilité quand elle a parlé de tout le travail qu'elle avait fait pour sa campagne à la direction, allant jusqu'à avouer qu'elle avait alors recommencé à fumer ? Quand elle a parlé de la politique comme de quelque chose d'extrêmement « violent » ? Quand elle a parlé du couple comme du « solage de la famille » ? Quand elle a dit souhaiter que tous deux, maintenant engagés dans un processus de médiation, soient « un exemple » pour leurs enfants ?

Rationnellement parlant, M. Péladeau n'a pas à se sentir coupable, dans la mesure où sa femme était pleinement d'accord avec son choix de se lancer en politique.

Mais le coeur a ses raisons, et M. Péladeau est un homme émotif.

A-t-il été touché en la voyant soudainement si fragile professionnellement, elle qui ne sait plus ce que l'avenir lui réserve et dont la brillante carrière semble compromise par des coups durs en partie attribuables à son union avec le président de Québecor ?

Ce dernier aurait-il plutôt eu peur, en la voyant s'épancher aussi librement à la télévision, que Julie Snyder continue à chaque entrevue à étaler sans vergogne leur vie privée, avec pour résultat de le déstabiliser et de brouiller les cartes entre l'homme privé et l'homme public ?

J'ai remarqué qu'il a remercié tout le monde... sauf Julie Snyder. Était-ce par rancoeur ? Ou au contraire parce qu'il craignait qu'en la nommant, il s'effondrerait sous le coup d'une trop vive émotion ?

Certains commentateurs évoquaient hier, pour expliquer son départ, les mauvais sondages qui s'accumulaient. Je n'en crois rien. M. Péladeau est un batailleur et ce n'est pas ce genre de déconvenue qui lui aurait fait rebrousser chemin. Il avait d'autant moins de raisons de démissionner que sa performance s'était grandement améliorée. Il avait pris beaucoup d'assurance et était bien installé dans son rôle de leader. À quel niveau de cynisme faut-il être tombé pour douter de la sincérité de cet homme qui, au bord des larmes, se voyait contraint à ouvrir son coeur au public ?

On aurait tort de déduire de cette tragédie (car c'en est une) que la politique et la vie familiale sont inconciliables. L'histoire personnelle de M. Péladeau a ceci de spécial que son couple était en instance de divorce. Si les enfants peuvent s'accommoder des absences d'un père ou d'une mère engagé(e) en politique, du moment que le foyer est stable et la famille unie, ce n'est pas du tout le cas des enfants qui souffrent déjà de voir leur foyer s'effondrer et leurs parents se séparer.

Et le PQ, dans tout cela ? Il se tirera d'affaire à long terme, même s'il devra passer par le traumatisme d'une autre course à la direction.

Agnès Maltais, pressentie comme chef intérimaire, est une parlementaire solide et expérimentée. La principale inconnue consiste à savoir si de nouveaux venus, comme Jean-Martin Aussant, le fils spirituel de Jacques Parizeau, s'ajouteront aux ténors qui voudraient tenter de nouveau leur chance.