La façon dont les délégués au congrès du NPD ont traité la première ministre de l'Alberta en dit long sur l'avenir qui guette ce parti. Non seulement ont-ils superbement ignoré l'éloquent plaidoyer de la première ministre albertaine Rachel Notley - la seule et unique néo-démocrate à diriger un gouvernement, exception faite de Greg Selinger au Manitoba, dont les troupes seront probablement défaites aux élections provinciales de lundi - mais ils ont endossé, sans l'adopter formellement, le manifeste du courant Leap, qui propose l'arrêt immédiat de l'exploitation des hydrocarbures.

Dans ce Canada sans pétrole ni gaz, et bien sûr sans oléoducs, les Canadiens qui n'ont pas la chance de bénéficier de l'énergie hydroélectrique à bon prix devront se chauffer aux éoliennes et démarrer leurs véhicules avec... avec quoi ? Mais cela n'a pas d'importance, puisqu'on n'en aurait pas besoin.

Le pays rêvé par les camarades écolos de Leap serait sillonné par « des voies de trains à haute vitesse, alimentées par des sources d'énergie justes et renouvelables, et un réseau de transport collectif abordable pouvant relier entre elles toutes les communautés du pays ».

Le Canada serait rebâti sur le modèle d'une réserve autochtone, gouverné par démocratie directe au niveau communautaire ou municipal. Fini le libre-échange, l'import-export et tutti quanti ; nous nous nourririons de produits locaux cultivés dans de petites fermes artisanales.

La priorité économique irait aux services qui utilisent peu d'énergie carbone et sont les plus « bienveillants » (soins de santé, arts, travail social, éducation, services de communications... « d'intérêt public », précise-t-on, l'intérêt public étant, on imagine, défini par les David Suzuki et Naomi Klein de ce monde).

Comme on ne parle ni de la recherche scientifique, ni de l'enseignement supérieur, ni de fabrication, ni de commerce, ni d'activités bancaires ou industrielles, on ne sait trop à quoi serviraient les hommes dans ce Canada pieusement axé sur la théorie du « care » (prendre soin les uns des autres), où l'on privilégierait « les activités accomplies par des femmes ».

Mais bon, on pourrait les affecter aux travaux de construction (maisons écologiques, entretien des routes), car le manifeste admet de mauvais gré qu'il faudra entretenir certaines infrastructures, le temps que ce grand « bond vers l'avant » soit complété et que l'on parvienne enfin au paradis terrestre.

Heureuse idée que d'avoir traduit Leap par « bond vers l'avant » plutôt que « bond en avant ». Cela empêchera les mauvais esprits d'évoquer, à propos justement de la faillite des mégaprojets utopiques, la grande restructuration de la Chine effectuée par Mao Tsé-toung en 1958, laquelle a provoqué une famine où plus de 30 millions de Chinois ont perdu la vie.

Dans son plaidoyer au congrès, Rachel Notley a bien essayé de faire entendre la voix de la raison en évoquant les progrès réalisés ces dernières années par l'industrie albertaine en matière d'environnement, de même que les emplois que l'approche de Leap ferait perdre (sans parler des milliards qui ont tant enrichi le Canada... et alimenté la péréquation dont les Québécois sont parmi les premiers bénéficiaires).

Le choc provoqué par le manifeste Leap - un manifeste provenant d'un parti qui prétend défendre les travailleurs ! - a eu l'effet de cristalliser les positions.

Selon le National Post, la première ministre de la Colombie britannique, Christy Clark, serait sur le point de revenir sur son opposition à l'oléoduc vers le Pacifique.

Ses fonctionnaires s'activeraient à définir avec le fédéral les conditions en vertu desquelles son gouvernement pourrait donner son aval au projet, notamment la construction d'un réseau électrique qui remplacerait les usines de charbon et aurait un formidable impact sur l'environnement.

Ensuite, ce sera au Québec de jouer...