Et si Donald Trump était un moindre mal ? En vérité, il y a encore pire que lui.

Alors que ce dernier semble de plus en plus promis à l'investiture, certains bonzes du Parti républicain, affolés, pourraient se rabattre sur le sénateur texan Ted Cruz, le seul à avoir jusqu'ici plus ou moins résisté à la vague Trump.

Mieux vaut, disent-ils, un « vrai conservateur », aussi radical soit-il, qu'un électron libre.

Pour le commun des mortels, toutefois, une victoire de Donald Trump serait moins dangereuse que celle de Cruz.

Ce dernier, diplômé de Princeton et de Harvard et avocat redoutable, est le plus instruit des candidats républicains et il est certainement moins vulgaire que Trump. Mais là s'arrête sa supériorité.

Contrairement à Donald Trump, homme d'affaires pragmatique, donc capable de négocier, de faire des compromis, voire de changer d'idée (comme il vient de le faire sur la question de la torture), Ted Cruz, fils de pasteur et chouchou de l'Église évangélique et du Tea Party, est un pur dogmatique.

Ses positions sont irréductibles, qu'il s'agisse de la peine de mort, de l'avortement, des armes à feu, du réchauffement climatique ou du mariage gai - autant de sujets sur lesquels Trump a des opinions beaucoup plus libérales.

Toute son action, au Congrès où son intransigeance lui a attiré nombre d'ennemis même dans les rangs républicains, visait à réduire de manière draconienne la taille de l'État fédéral. Il fut l'un des chefs de file de l'obstruction systématique qui a si souvent paralysé le Congrès.

Contrairement à Trump, qui n'est pas contre l'« obamacare », Cruz est un adversaire acharné de l'intervention étatique dans le système de santé.

Contrairement à Trump, qui était opposé à l'invasion de l'Irak en 2003, Cruz se promet de ramener les territoires conquis par le groupe État islamique au « Moyen Âge » à coups de bombardements massifs (et non ciblés, comme c'est actuellement le cas).

Si Trump parle de bâtir un mur entre les États-Unis et le Mexique, Cruz dit la même chose. Pour lui, Obama est devenu un « financier du terrorisme islamiste international » (!) en levant les sanctions contre l'Iran.

Comme on pouvait facilement le prévoir, l'offensive lancée par l'establishment du parti contre Trump a fait chou blanc. La base électorale, déjà furieuse contre les élites, n'a pas supporté de recevoir des leçons de la part de politiciens qui ont perdu leurs propres élections, comme Mitt Romney, battu par Obama en 2012, et John McCain, battu en 2008... après avoir offert la vice-présidence à une Sarah Palin qui était encore moins qualifiée que Donald Trump.

Ce dernier vient d'ajouter à son escarcelle le Michigan, État urbain de cols bleus déclassés, et le Mississippi, État rural du Sud qui contient la plus forte proportion de Noirs au pays.

Pendant ce temps, la campagne démocrate est en train de devenir une aventure en dents de scie pour Hillary Clinton, battue au Michigan alors que tous les sondages lui prédisaient une victoire de l'ordre d'une vingtaine de points.

Elle reste en tête pour ce qui est du nombre de délégués, et sa popularité parmi l'électorat noir lui a permis de remporter facilement le Mississippi... mais Bernie Sanders vient de faire une percée chez les Noirs en recueillant le tiers de leurs votes dans cet État. Et il pourrait encore surprendre le 15 mars, dans l'Ohio et l'Illinois, deux États de la « Rust Belt », région industrielle en déclin où l'on reproche à Mme Clinton son appui au libre-échange.

Le succès imprévu du vieux sénateur du Vermont, outre que cela démontre qu'une partie substantielle de l'électorat américain penche aujourd'hui vers la gauche, constitue un fort désaveu de celle que l'on croyait (et qui se croyait) destinée à un couronnement.