Toutes les élections, aux États-Unis, se font dans une mer d'argent. Même Barack Obama, un progressiste austère et intègre, a été élu grâce à une « caisse électorale » que les corporations avaient remplie à coup de millions.

Les petits dons de particuliers que son organisation avait récoltés par l'internet ont servi à polir son image et à lui donner un vernis d'« homme du peuple », mais ce n'est pas cela qui l'a mené à la Maison-Blanche.

C'est cet asservissement des politiciens aux forces de l'argent - une situation qui dégoûte de plus en plus l'Américain moyen - qui profite à la campagne de Bernie Sanders, le seul à dénoncer cet état de choses, le seul qui puisse se vanter d'avoir les mains entièrement libres et d'avoir fixé une limite à ses donateurs.

Il se trouve en effet que cette question est le talon d'Achille de Hillary Clinton. Elle s'est placée dans une position de vulnérabilité et a ouvert la porte aux allégations de conflit d'intérêts en acceptant de faire des conférences grassement rémunérées pour les institutions financières de Wall Street - les mêmes qui attendront un retour d'ascenseur du prochain président.

Depuis son départ de la Maison-Blanche, Bill Clinton et sa femme ont récolté 125 millions en honoraires pour leurs conférences à huis clos devant des géants de la finance, sans compter les contributions somptueuses du monde des affaires à leur fondation familiale... laquelle compte parmi ses donateurs le Qatar, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite.

À mesure que s'avérait l'hypothèse de sa candidature à la présidence, Hillary Clinton est elle-même devenue multimillionnaire.

Selon l'International New York Times (un journal d'orientation démocrate), elle a gagné deux millions en sept mois par ses conférences dans le circuit financier, rémunérées en moyenne 225 000 $ - un montant proprement démesuré.

On veut bien croire que ses paroles valent de l'or... mais autant d'or ? Impossible, à moins que l'on veuille gagner les faveurs d'une future présidente qui pourra - ou non - resserrer la vis sur les agissements des grandes banques.

Ces deux dernières années, Goldman Sachs - la banque à l'origine de la débâcle de 2008 - a versé à Mme Clinton 675 000 $ pour trois conférences.

Tout dernièrement, alors qu'elle était déjà officieusement en campagne pour les primaires, elle a reçu 275 000 $ pour parler devant les clients du Golden Tree Asset Management.

Seulement depuis 2014, le couple Clinton a récolté 25 millions en honoraires pour des conférences !

Or, Mme Clinton ne peut s'abriter derrière son prédécesseur sous prétexte que lui aussi doit sa victoire aux contributions des grosses corporations. Barack Obama n'a jamais accepté de faire des conférences pour Wall Street.

Même ses propres partisans sont mal à l'aise. « Elle n'aurait pas dû accepter de faire autant de conférences », dit l'ancien gouverneur de la Pennsylvanie Ed Rendell, cité par le Times.

« Même si les Clinton avaient besoin d'argent, Bill en faisait assez pour qu'elle ne se sente pas obligée de se prêter à cela. Aux yeux des gens qui gagnent 200 000 $ en sept ans, ça paraît drôlement mal... »

Même les républicains jouent la carte de Bernie Sanders contre Hillary Clinton. Car le fait est qu'elle est la seule de tous les candidats à s'être personnellement enrichie grâce à ce que Sanders appelle « des honoraires qui ressemblent à des pots-de-vin de l'industrie financière ».

Mme Clinton se défend en proclamant haut et fort qu'elle poursuivra le travail de règlementation de l'industrie financière entrepris par Obama (cela, dans un esprit de « partenariat » avec Wall Street, précisait-elle dans une conférence qui a été ébruitée).

Cette affaire ne risque pas de faire dérailler sa campagne, puisqu'elle n'a aucun rival sérieux du côté démocrate, la candidature de Sanders étant largement symbolique. Mais cela a quand même l'inconvénient de la placer sur la défensive.