On a cru que les derniers attentats de Paris ne visaient que la jeunesse en fête, symbole de la « décadence » impie de l'Occident. Mais la même désespérante constante s'est retrouvée là aussi en filigrane.

Le Bataclan, l'épicentre du drame, a longtemps appartenu à une famille juive et accueilli plusieurs activités d'appui à Israël, ce qui lui a donné, chez les militants propalestiniens, la réputation d'une « salle sioniste ». L'image s'est ensuite répercutée sur les réseaux sociaux djihadistes.

Nul ne sait si les terroristes du 13 novembre avaient cela en tête lorsqu'ils ont ciblé cette salle de spectacles. Il reste que les Juifs sont, encore et toujours, les premières victimes du terrorisme d'inspiration islamiste.

De l'attentat à la synagogue de la rue Copernic, en 1980, à l'attaque du musée juif de Bruxelles en 2014, en passant par la tuerie devant une école juive de Toulouse en 2012, les Juifs sont les canaris dans la mine, ceux qui sont les premiers à subir les exactions qui s'abattront plus tard sur les autres.

D'abord les synagogues et les juifs orthodoxes, ensuite les juifs laïcs, ensuite les églises, les chrétiens, les caricaturistes, les minorités sexuelles... l'horrible engrenage vu en Allemagne nazie.

Un incident isolé, mais terriblement significatif, vient une fois de plus illustrer que l'antisémitisme est inhérent à l'islam radical.

À Marseille, la semaine dernière, Benjamin Amsellem, un professeur d'études religieuses coiffé de sa kippa, a été attaqué à la machette par un adolescent d'origine turco-kurde de 15 ans.

M. Amsellem, projeté à terre, a senti que le garçon voulait le décapiter, car ses coups de machette le visaient au cou.

Il s'est protégé tant bien que mal jusqu'à l'intervention des passants avec ses jambes et ses bras, et aussi (cela ne s'invente pas) grâce à la Torah, le livre sacré du judaïsme, qu'il portait dans sa poche et qui, à l'insu de l'attaquant, lui a servi de bouclier. Selon le journal La Provence, le livre, aujourd'hui déchiqueté, aurait fait dévier la trajectoire de la lame.

L'agresseur est la copie conforme de l'ado montréalais condamné en décembre pour terrorisme : un bon élève venant d'une famille sans histoire, qui s'est radicalisé tout seul par l'internet. Le jeune Marseillais s'est identifié aux policiers comme un partisan du groupe État islamique et leur a déclaré que son seul regret était de n'avoir pu tuer sa victime.

C'était la troisième agression antisémite à l'arme blanche depuis l'automne à Marseille.

Selon une enquête de l'Ifop conduite en septembre 2015, 43 % des Français juifs affirment avoir déjà été agressés « parce que juifs » ; c'est le cas de 77 % de ceux qui affichent leur foi en portant la kippa, le couvre-chef masculin qui signifie la soumission à Dieu. Par ailleurs, 42 % des Français juifs sont non pratiquants. Seulement 10 % sont « très pratiquants ».

Depuis ce jour où il a cru mourir, Benjamin Amsellem porte une casquette pour cacher sa kippa quand il sort dans la rue. C'est d'ailleurs le conseil qu'a donné à ses coreligionnaires le président du Consistoire israélite de Marseille, Zvi Ammar.

« La vie est plus sacrée que tout autre critère », a-t-il dit en leur recommandant de renoncer à leur kippa « jusqu'à des jours meilleurs ». Ce conseil, aussi compréhensible soit-il, a déclenché une polémique. Pour le président du Consistoire central, Joël Mergui, cela serait une reddition inacceptable devant l'antisémisme.

« La kippa est un symbole fondamental du judaïsme et de la liberté de conscience. Y renoncer signifierait que la France n'est plus la France et que la place des Juifs n'est plus en France. »

Ce déchirant débat entre la liberté religieuse et la sécurité physique soulève d'affreux souvenirs. Dans la France de 2016, les juifs devraient-ils se cacher comme en 1940 ?