Les néo-démocrates ont toujours été indulgents envers leurs chefs défaits. Fidèle à sa réputation, le NPD a encaissé la terrible défaite d'octobre avec un certain stoïcisme. Personne n'a réclamé ouvertement la tête du chef, et la grogne est restée dans les coulisses.

Thomas Mulcair lui-même semble s'acheminer avec optimisme vers le congrès d'avril, où un vote de confiance scellera son sort.

Il pourrait partir, faire une croix sur sa carrière politique. L'homme a plusieurs cordes à son arc - avocat, bilingue, panache et expériences diversifiées -, il pourrait trouver chaussure à son pied dans le secteur privé. Mais tout indique qu'il souhaite prendre sa revanche dans quatre ans...

À en juger par les rumeurs qui bruissent sur la colline parlementaire, toutefois, bien des néo-démocrates, surtout dans l'aile gauche du parti, souhaitent discrètement son départ.

Ils n'ont pas trop réagi quand M. Mulcair a fait glisser le NPD au centre en le dépouillant de son ADN socialiste, mais il s'agissait d'un troc : la pureté idéologique contre le pouvoir... un pouvoir que l'on croyait à portée de main. Or, le NPD s'est trouvé éclipsé par le vent frais du PLC, et la perspective d'une victoire s'est muée en mirage, puis en atroce désillusion.

De l'extérieur, on peut dire que le NPD n'avait pas le choix. S'il avait annoncé des déficits, s'il s'était répandu en promesses coûteuses, il aurait confirmé tous les préjugés qui jouent contre le NPD fédéral depuis des décennies et serait apparu comme un parti de « big spenders » (grands dépensiers) irresponsables.

Le PLC pouvait se permettre plus d'audace, car il s'appuyait sur une « marque » connue, qui inspirait confiance : avec les libéraux, on savait quand même où l'on allait. Et la personnalité d'un jeune chef attrayant a fait le reste.

Au sein du NPD, toutefois, le raisonnement est autre. Avoir fait le sacrifice de son identité historique et de ses idéaux... et tout cela pour rien ! La pilule est dure à avaler.

Déjà lors de son accession à la tête du parti, bien des néo-démocrates de l'extérieur du Québec se méfiaient de M. Mulcair - un ancien libéral trop « à droite ». Les élites du parti (Roy Romanow, Ed Broadbent, l'entourage de Jack Layton) avaient appuyé la candidature de Brian Topp, l'un des leurs : un militant NPD de toujours, qui avait travaillé dans le mouvement syndical et dans les cabinets politiques des premiers ministres néo-démocrates de l'Ouest, pour devenir finalement président du parti.

Mais M. Topp, le prototype du « backroom boy » effacé, le stratège de l'ombre qui ne s'était jamais aventuré sur le front électoral, n'était pas de taille à affronter un parlementaire aussi combattif que Thomas Mulcair.

M. Topp aurait-il fait mieux que M. Mulcair ? Pas sûr, pas sûr du tout.

On oublie qu'avant son coup de foudre de 2011 avec le Québec, le NPD fédéral n'a jamais eu beaucoup de succès, et ce, même sous les leaders estimés qu'étaient Ed Broadbent et Jack Layton. Sans parler d'Audrey McLaughlin et d'Alexa McDonough, qui ont assuré la tutelle de 1990 à 2003 dans l'indifférence générale.

Bref, M. Mulcair n'a pas à rougir de la comparaison avec ses prédécesseurs.

Aux élections de 2019, M. Mulcair aura 65 ans. Il sera plus jeune qu'Hillary Clinton, mais il paraîtra bien vieux à côté de Justin Trudeau et du chef que se donneront les conservateurs, qui sont frénétiquement à la recherche d'une figure jeune et charismatique... et qui rêvent même d'opposer la dynastie Mulroney à celle des Trudeau !

À moins qu'à ce moment, comme l'espère l'ancien député NPD Pat Martin, la population souhaite « des leaders qui ont du sérieux et de la maturité » ? Qui vivra verra.