Heureusement qu'il y avait Philippe Couillard pour sauver l'honneur. Il a tout de suite trouvé les mots pour exprimer son indignation et sa résolution par rapport aux attentats de Paris. En fait, la plupart des chefs de gouvernement ont eux aussi réagi avec force à l'indicible tragédie.

Tous, sauf un.

Au moment où des dizaines de Français agonisaient dans des terrasses et au Bataclan, Justin Trudeau a mollement offert ses « sympathies et condoléances », avec le ton de celui qui s'en va poliment faire acte de présence dans le salon mortuaire où repose une vague cousine tranquillement décédée dans son lit.

Durant tout le week-end, il a fui les reporters, laissant ses porte-parole relater ce qu'il avait dit aux autres participants du G20. Dimanche soir, dans une réunion à huis clos, il aurait, paraît-il, exprimé une certaine indignation, allant jusqu'à traiter le groupe État islamique de « fléau » (oh, le gros mot !), mais il ne l'a pas fait devant les caméras.

En se terrant ainsi, le premier ministre voulait-il retarder le moment d'aborder la question qui taraudait tout le monde, celle de savoir si le Canada maintiendrait sa décision de retirer ses CF-18 de la coalition militaire contre le groupe État islamique ? M. Trudeau a plutôt laissé ses ministres se relayer au micro pour dire que non, le Canada n'a pas changé d'avis. Finalement, il est réapparu hier pour confirmer ces intentions.

C'était pourtant le moment ou jamais de réviser cette position que M. Trudeau, d'ailleurs, n'avait même pas été capable de justifier au moment où elle fut annoncée, en octobre 2014. Trois poids lourds du PLC (Bob Rae, Lloyd Axworthy et Roméo Dallaire) s'étaient dissociés de ce pacifisme de pacotille, et Jean Chrétien avait dû venir à la rescousse du jeune chef.

Si le spectacle insoutenable de la France ensanglantée ne suffit pas, que faudra-t-il donc pour que M. Trudeau se rende compte qu'il a envers ses alliés un devoir de solidarité ?

Le Canada est membre de l'OTAN, dont la règle première est que tous ses membres doivent se porter au secours de l'allié attaqué. Cela a été écrit à l'époque où l'attaque prenait la forme d'une invasion militaire, mais le danger qu'affronte la France est pire encore, puisque ce sont ses civils qui sont attaqués.

Rappeler les CF-18, même si leur fonction n'est guère importante, sera pire que si le Canada n'avait jamais participé à la coalition. Un retrait soudain, survenant même avant la fin de la mission (prévue pour mars), sera pire que l'abstention.

Ce sera envoyer au monde un message effarant. Ce sera proclamer que les Canadiens sont un peuple de peureux, prompts à détaler devant la menace. Ce sera donner raison aux assassins de nos amis parisiens.

Ce n'est pas avec un tel aveu de lâcheté que le Canada regagnera de la crédibilité sur la scène internationale.

Déjà, la propagande djihadiste a commencé à exploiter la démission canadienne en alléguant que cela montre que la coalition s'effrite.

Qu'importe si le rôle du Canada dans la coalition était assez secondaire. Il y avait là un symbole, et aucun symbole n'est plus puissant, plus visible, que des avions dans le ciel. Les remplacer par un nombre accru de formateurs militaires qui travaillent dans l'ombre n'est pas une solution de rechange, sans compter que ces conseillers au sol seront plus en danger que les pilotes.

N'allons surtout pas croire que ce retrait mettra le Canada à l'abri du terrorisme. Il faut se tenir debout, solidaires de la France et de nos alliés. Sinon, pour paraphraser Churchill, nous aurons et la guerre et le déshonneur.