Thomas Mulcair a revêtu dimanche le masque de Tom-le-gentil pour aller à l'émission Tout le monde en parle. Ce n'était pas le visage qu'il offrait vendredi au débat de TVA.

Agressif et hargneux, à au moins trois reprises il a délibérément empêché M. Harper de s'exprimer en parlant à tue-tête en même temps que lui. Gilles Duceppe avait aussi cette manie détestable d'interrompre constamment les autres, mais au moins, il ne suintait pas l'hostilité envers l'adversaire.

M. Mulcair, par contre, fulminait même pendant les pauses, le souffle court, les yeux plissés de rage, les lèvres contractées dans un rictus de grizzli. Difficile de réconcilier cette image avec le Tom souriant des affiches. Qui est-il vraiment, derrière ses loyautés successives et contradictoires ? Quelle est la vraie nature du NPD québécois, derrière ces 54 cônes orange qui sont (sauf rarissimes exceptions) muets comme des carpes depuis quatre ans ?

Lors de ce dernier débat, Justin Trudeau projetait au contraire une image de calme sérénité. À l'instar de Stephen Harper, il restait poli malgré la rudesse des échanges. Il s'abstenait d'interrompre les intervenants, tout en exprimant fermement ses opinions. Cette fois-ci, son français était très correct, bien supérieur à celui du premier débat à Radio-Canada, ce qui montre à quel point l'état d'esprit influe sur le langage. 

Stimulé par les sondages, Justin Trudeau respirait la confiance en soi, cela se sentait dans l'aisance avec laquelle il renouait avec sa langue paternelle.

Il a certes des raisons de se réjouir. Les élites du Canada anglais le voient dans leur soupe. Samedi, l'influent quotidien The Globe and Mail lui consacrait toute sa une. Suivait un portrait de sept pages qui constituait un véritable panégyrique.

À l'autre pôle idéologique, le même jour dans le National Post, Conrad Black n'avait que des éloges pour le chef libéral, « qui a prouvé qu'il n'est pas seulement le fils séduisant de parents célèbres » et « a largement fait mentir la pub conservatrice voulant qu'il ne soit pas prêt à gouverner ».

À l'échelle du pays, le NPD a été victime d'une stratégie qui au départ paraissait pourtant bien avisée. Pour rassurer ceux qui le voient comme un nid de radicaux (ce qui n'est pas totalement faux), le parti s'est positionné au centre. Cette métamorphose l'a coupé de sa base militante, mais il y a eu pire : quand le PLC a annoncé un programme de relance de type keynésien, il a ravi au NPD l'étiquette de « parti du changement », s'attirant les sympathisants du NPD résolus à voter pour le parti qui aurait le plus de chances de battre le gouvernement Harper.

Ces derniers jours, Tom-Thomas Mulcair a tenté désespérément de regagner sa base électorale et de récolter le vote agricole en s'opposant au Partenariat transpacifique que vient de signer le gouvernement. Sans même en connaître le contenu, il a promis de ne pas le ratifier s'il accédait au pouvoir. Renoncer à un pacte qui ferait entrer le Canada (lequel fait partie de la zone pacifique, ne l'oublions pas) dans un marché commun allant du Chili au Japon, pour protéger le système archaïque qui régit le prix des poulets et des produits laitiers ? C'est, au mieux, de l'irresponsabilité. Au pire, de la folie.

Mais peut-être le NPD n'a-t-il pas tellement changé, au fond. Toujours pacifiste à la mode des années 60, comme on le voit dans le dossier du Proche-Orient (une « mission de paix » contre les égorgeurs djihadistes ?), il reste viscéralement opposé à toute formule de libre-échange. On se rappelle la lutte hystérique de ce parti contre l'Accord de libre-échange nord-américain piloté par le gouvernement Mulroney en 1988. Le NPD nous prédisait la fin de la culture canadienne !