Si l'opposition libérale exagère lourdement en glorifiant les réalisations des anciens gouvernements libéraux sur la scène internationale, le bilan du gouvernement Harper, en ce domaine, a été marqué par un manque de vision - et surtout un manque de sens diplomatique - consternant. À commencer par son hostilité butée envers l'ONU - une organisation dysfonctionnelle, mais dont le monde, hélas, ne peut se passer.

M. Harper a laissé échapper l'occasion d'obtenir le siège temporaire du Conseil de sécurité qui aurait pu revenir au Canada. Non seulement il s'est le plus souvent exclu des discussions sur le climat et sur le désarmement nucléaire, mais il a réduit l'aide à l'Afrique à la portion congrue, privant le Canada d'un rôle significatif dans le développement du continent.

Au début de son règne, M. Harper a failli ruiner nos relations avec la Chine en se concentrant obsessionnellement sur la cause d'un militant ouïghour accusé de terrorisme par Pékin (il s'est amendé depuis sous la pression des milieux d'affaires).

S'il avait été au pouvoir en 2003, M. Harper aurait peut-être participé à la catastrophique invasion en Irak qui fut la matrice des bouleversements meurtriers que connaît aujourd'hui le Proche-Orient. En 2011, il a (comme les Sarkozy, Cameron et Obama) participé à la croisade aérienne contre le régime Kadhafi, avec le résultat que la Libye est devenue le paradis des terroristes et des passeurs illégaux.

En partie pour se rallier les électeurs d'origine est-européenne, il a pris fait et cause pour l'Ukraine contre la Russie, avec la brutalité grossière d'un petit casseur dans une cour de récréation. « Get out of Ukraine ! », a-t-il lancé au président Poutine, le même à qui le président Obama vient de tendre la main au nom de l'intérêt des États-Unis. Que fait le Canada, dans ce conflit qui ne met aucunement en jeu ses intérêts nationaux ?

Son indéfectible loyauté envers l'État d'Israël est certes louable, mais n'aurait pas dû l'empêcher de critiquer à l'occasion le gouvernement israélien pour ses constructions sauvages en Cisjordanie.

Devant le pacifisme primaire et niais du NPD et la position confuse de Justin Trudeau sur la participation à la lutte armée contre le groupe État islamique, la ligne de M. Harper sur l'intervention militaire au Proche-Orient est claire, résolue, et elle peut se défendre. Mais cela ne peut faire oublier son mépris pour les exigences élémentaires de la diplomatie.

Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que nombre de diplomates, actifs ou retraités, souhaitent à voix basse la défaite de ce gouvernement.

Reflétant la tendance au « micromanagement » du premier ministre, le gouvernement a tout fait pour tenir ses diplomates en laisse et pour régenter à partir d'Ottawa leurs rapports avec les acteurs des pays où ils sont en poste.

Par une étrange incurie, le Parti libéral - qui se pique de vouloir revenir à la tradition diplomatique - n'a pas offert une circonscription « gagnante » à celui qui pourrait être un excellent ministre des Affaires étrangères dans un hypothétique gouvernement Trudeau.

Claude Boucher, ancien ambassadeur en Haïti et haut-commissaire adjoint du Canada au Royaume-Uni, a une feuille de route remarquable, mais il se présente dans Lévis-Lotbinière, au coeur d'un bastion conservateur dont le député, Jacques Gourde, a été élu en 2008 avec 47 % des voix. Le NPD avait fait bonne figure en 2011, et la « marque » libérale est quasi inexistante dans la circonscription.

Compte tenu du nombre effarant d'hurluberlus et de candidats médiocres que présentent les partis (sans compter ceux qui se sont désistés après que leurs propos stupides ou ignobles eurent été découverts sur Facebook), le PLC, pas plus d'ailleurs que les autres partis, n'avait pourtant les moyens de laisser échapper les rares bonnes recrues de la fournée 2015.