Tom dit-il la même chose que Thomas ? Pas toujours.

Prenez la question de l'oléoduc transcanadien : quand Tom Mulcair s'adresse au Canada anglais, il voit le pipeline comme un bon outil de développement économique et une solution de rechange souhaitable au transport par rail.

Quand Thomas parle en français au Québec, le projet d'oléoduc devient tout à coup problématique. Il ajoute un gros bémol : il faudra que cela s'inscrive dans le respect des normes environnementales... Sous-entendu : le projet pourrait ne pas avoir le feu vert d'un gouvernement néo-démocrate.

Prenez la question référendaire. Thomas Mulcair, quand il parle au Québec, aime bien évoquer la Déclaration de Sherbrooke, adoptée par le parti sous la direction de Jack Layton, laquelle stipulait - contrairement à l'avis de la Cour suprême et à la Loi sur la clarté - qu'une majorité de 50 % plus une voix suffirait à enclencher le processus de souveraineté.

Mais Tom et son équipe ont bien pris soin d'effacer du site web du parti toute allusion à cette position... et l'autre jour, talonné de près par Peter Mansbridge à la CBC, il a systématiquement refusé d'énoncer clairement la règle du 50 + 1, pour marteler une phrase sibylline : « Ceux qui gagnent gagnent. »

Quand, au Canada anglais, on aborde cette question explosive (que les libéraux de Justin Trudeau se font un plaisir d'exploiter), Tom Mulcair n'a de cesse de rappeler ses valeureux états de service à la défense de l'« unité nationale », à l'époque où il était directeur d'Alliance Québec puis député libéral.

Au Québec, par contre, le chef orange se vante moins de son passé fédéraliste, histoire de ménager les nationalistes et les souverainistes - l'ancienne clientèle arrachée au Bloc en 2011 et qui, ces temps-ci, trouve le NPD moins ringard que le vieux Bloc qui fait tellement XXe siècle.

Rares sont les chefs politiques qui changent leur prénom dès qu'ils entrent en campagne. Pourquoi Tom plutôt que Thomas, un beau prénom qui existe dans les deux langues ?

Parce que Tom, ça fait plus « hip », plus populiste ? Parce que Tom, ça fait encore plus anglais ? Chose certaine, ça sonne mieux en anglais qu'en français. Est-ce aussi un clin d'oeil au fondateur du parti, Tommy (Thomas) Douglas ? Mais Tommy Douglas, lui, n'a jamais été connu sous un autre prénom.

Le chef du NDP aura en tout cas fort à faire quand, aux prochains débats en français (le premier aura lieu le 24 septembre), Gilles Duceppe lui demandera ce que son gros caucus de 57 députés - une bande inaudible et invisible d'où n'ont surnagé qu'une couple de porte-parole présentables - a fait pour le Québec.

Les attaques de Gilles Duceppe n'ont pas toutes été efficaces, cependant. Quand le Bloc a déterré, du passé de Thomas-Tom-Mulcair, une phrase saluant le bilan de Margaret Thatcher et quelques allusions aux rapports incestueux du PQ avec les syndicats - histoire de le mettre en contradiction avec son appartenance au NPD -, cela n'a eu pour effet que d'aider M. Mulcair à se donner une image de politicien non dogmatique et à se positionner au centre, exactement là où il voulait être. Tout le monde, à commencer par les travaillistes britanniques, a reconnu qu'avant Thatcher, le pays était ingouvernable. Quant aux syndicats, qui donc veut les voir contrôler les gouvernements ?

Le défi du NPD, à ces élections, était de se débarrasser des vieux oripeaux radicaux du NPD fédéral, de revenir à la prudence fiscale des gouvernements provinciaux néo-démocrates des Prairies (dont celui de Tommy Douglas), et de rompre ses liens organiques avec le mouvement syndical. Mission réussie.

Le NPD a même retiré l'étiquette « socialiste » de sa constitution ! Les attaques naïves du Bloc n'ont fait que renforcer la nouvelle personnalité du NPD. Pas fameux comme tactique.