La course au leadership du Parti québécois a duré tellement longtemps et occupé tellement d'espace dans les médias qu'elle a pu faire illusion sur l'état véritable du parti. Il serait bien exagéré de parler, comme l'a fait Jacques Parizeau lui-même l'hiver dernier, de « champ de ruines », mais le fait demeure que ce parti n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut naguère.

Il compte actuellement quelque 71 000 adhérents, ce qui inclut les nouveaux membres recrutés par les candidats au leadership, alors qu'il en comptait deux fois plus il y a 10 ans. Mais l'époque est dure pour tous les partis politiques, et la désaffection populaire affecte les libéraux encore davantage (le PLQ n'a que 41 000 membres en règle, un score minable pour un parti au pouvoir).

La commission Charbonneau est passée par là, aggravant par ses témoignages le discrédit dont souffrait déjà la classe politique et les libéraux en particulier. Les gens ne veulent plus contribuer au financement des partis de peur de se trouver ensuite épinglés dans l'opinion publique ou associés à Dieu sait quel scandale. Et rares sont ceux qui ont le goût de s'engager en adhérant à un parti. De toute façon, c'est maintenant l'État qui finance presque entièrement les partis politiques.

Le lien organique entre les partis et leurs militants a été brisé, et cela n'est pas à l'avantage de la démocratie.

La course au leadership a suscité peu de débats dignes de ce nom, une nouveauté dans un parti qui, dans ses vies antérieures, n'avait pas peur du choc des idées. Les candidats qui se présentaient « contre » PKP, le meneur qui bénéficiait de l'appui des autorités du parti, ont tous retenu leurs coups.

Jean-François Lisée a renoncé d'emblée à se présenter et Bernard Drainville, qui avait démontré plus de bellicosité, s'est désisté en fin de course par peur de finir troisième. Une performance piteuse pour l'ancien ministre en même temps qu'une curieuse conception de la politique : si tous les politiciens dont les sondages annoncent la défaite se retiraient avant le scrutin, dans quelle sorte d'univers politique vivrions-nous ?

PKP l'a échappé belle, car si Bernard Drainville était resté dans la course, peut-être y aurait-il eu un deuxième tour de scrutin. Avec 57,6 % des voix, Péladeau a eu un résultat plus qu'honorable, qui se compare aux majorités obtenues par ses prédécesseurs, mais ses deux adversaires ont tout de même obtenu 42,4 % du vote. Il s'en serait fallu de peu pour que les voix de Drainville forcent la tenue d'un deuxième tour.

L'absence de Lisée et de Drainville, deux anciens ministres, deux bons orateurs dotés d'une solide expérience politique, a en quelque sorte dévitalisé la course, et les autres candidats restés en lice ne pouvaient faire le poids, malgré leurs qualités. Martine Ouellet s'est battue jusqu'au bout avec l'entrain et la vigueur d'une militante authentique. Pierre Céré a incarné vaillamment et avec beaucoup d'intelligence la gauche du parti. Sa prestation, lors du débat sur la langue et la laïcité, était impressionnante.

Alexandre Cloutier a été, selon certains, la découverte de la campagne, mais ses propositions étaient souvent marquées par des généralités (encourager l'éducation et la culture ? Créer un ministère de l'Informatique ? Cela sentait bon la tarte aux pommes !). Sa contribution la plus originale était d'une naïveté désolante. M. Cloutier souhaite qu'une pétition d'un million de citoyens puisse enclencher un référendum ! Où est la responsabilité gouvernementale, dans une formule aussi populiste ? Sans compter que le camp fédéraliste ou n'importe quel groupe bien organisé aurait tôt fait de présenter, le lendemain, un million et demi de signatures pour s'opposer à la tenue d'un référendum !

Malgré sa longueur démesurée et le manque de débats intéressants, cette campagne aura quand même bien servi le PQ, qui en émerge, selon les sondages, passablement ragaillardi.