Il ne manque que la couronne, puisque le couronnement est assuré. Les péquistes, comme l'avait prédit Jean-François Lisée, vivront leur «moment Péladeau». L'homme d'affaires aura triomphé facilement des deux seuls adversaires d'envergure auquel il aurait pu faire face - Lisée s'est désisté avant la course et Drainville vient de jeter l'éponge.

Restent sur les rangs les figures symboliques de Pierre Céré et Martine Ouellet, deux militants sans appui parmi la députation, et celui que certains, en désespoir de cause, voient comme l'avenir du parti, le jeune Alexandre Cloutier qui n'a ni la prestance ni l'acuité intellectuelle d'un chef de parti. Cela viendra, espèrent ses fidèles, mais ce n'est pas encore apparent.

Pierre Karl Péladeau pourra désormais faire ce qu'il veut de ce parti qui s'est donné à lui avec l'abandon d'une femme prête à tout pour se trouver un protecteur. Après avoir triomphé si facilement d'adversaires aussi faibles - serait-ce sans péril et sans gloire - PKP ne devra rien à personne.

Le ralliement in extremis de Bernard Drainville ne lui garantit aucunement une place de lieutenant ni même une place de choix dans le futur cabinet fantôme que constituera PKP.

Ce dernier a la réputation d'être vindicatif, et pourrait bien ne pas oublier les sorties agressives de Bernard Drainville à son endroit. Et il fera bien ce qu'il voudra des engagements que M. Drainville prétend avoir obtenus en échange de son ralliement (sur la stratégie référendaire, le salaire des fonctionnaires et l'économie verte).

La triste vérité est que M. Drainville n'avait aucun levier pour négocier quoi que ce soit, les pointages internes montrant que sa cote avait commencé à dégringoler au profit de celle d'Alexandre Cloutier, un gentil garçon qui n'a pas fait sa marque dans le gouvernement Marois et qui donc ne traîne aucune casserole, et qui au surplus prend soin de ne heurter personne, surtout pas le futur chef.

Le ralliement de M. Drainville aurait valu quelque chose s'il s'était trouvé solidement en deuxième place, devançant de loin le reste du peloton, mais il risquait au contraire de subir l'humiliation dont les Daniel Johnson (en 1983) et les Raymond Bachand (en 2013) ne se sont jamais relevés: celle de finir la course en troisième place, devancé par un «junior» ou un poids léger.

Ce sont ses positions tranchées et ses critiques acérées contre le meneur qui lui ont valu de se voir rétrogradé par des militants qui, dans l'état de faiblesse extrême où se trouve le PQ, n'ont pas supporté qu'on mine la crédibilité de leur futur chef.

S'il n'y a pas de véritable débat durant une course à la direction, on peut prédire qu'il n'y en aura pas après. Les députés péquistes ont intérêt à se ranger en rang d'oignon derrière le vainqueur, comme l'a fait hier après-midi l'ancien ministre Sylvain Gaudreault, le plus connu des partisans de Bernard Drainville.

Surprise! Surprise! M. Gaudreault se rallie à M. Péladeau, «parce qu'il va gagner», croit-il utile de préciser. Et M. Gaudreault d'ajouter sans rire qu'il est sûr de s'entendre avec le futur chef sur la question du pétrole... On verra bien.

Les candidats qui restent en lice peuvent se féliciter de leur performance. M. Cloutier, au départ à peu près inconnu, est devenu une figure du parti. Martine Ouellet, ministre médiocre, mais militante infatigable, a connu son heure de gloire. Jamais n'aura-t-elle été si longtemps à l'avant-scène. Quant à Pierre Céré, ces six mois dans la cour des grands lui ont permis d'échapper à l'anonymat.

Quant à M. Péladeau, il peut se féliciter d'avoir traversé cette épreuve sans dommage majeur. Il a parfois trébuché, mais n'est jamais tombé. Et il a commencé à apprendre le dur métier de politicien.