On parle beaucoup ces jours-ci des soins palliatifs. C'est le temps ou jamais de s'interroger sans états d'âme sur l'avenir de ces ressources, en laissant de côté l'émotion qui surgit inévitablement dès qu'on parle de la fin de vie.

Première question: pourquoi des unités de soins palliatifs dans des hôpitaux de soins aigus? Deuxième question: que faire pour pallier le manque de ressources? À l'heure actuelle, le réseau compte 140 lits en établissements hospitaliers et 240 lits dans une trentaine de maisons de soins palliatifs, la plupart situées hors des grands centres.

C'est insuffisant, même en tenant compte des soins à domicile prodigués par les CLSC à ceux qui peuvent (et veulent) mourir à la maison. Ces trop rares ressources ne pourront jamais combler les besoins des baby-boomers qui afflueront dans quelques années aux portes de la mort.

J'ai visité l'an dernier une amie hospitalisée à l'unité de soins palliatifs du CHUM. Atteinte d'un cancer terminal, elle était résignée, voire sereine. Son mari, retraité, vivait là lui aussi, dans la petite chambre où était dressé un lit de camp. Il lisait pendant qu'elle dormait, ils écoutaient ensemble de la musique, il lui faisait la lecture, il prenait son repas du soir avec elle. Chaque jour, au moins un de leurs enfants leur rendait visite, et il y eut à cet étage de mémorables fêtes de famille.

En fait, sa vie a peut-être été prolongée, dans cet environnement rassurant et chaleureux où on lui prodiguait des soins d'extraordinaire qualité. Elle a survécu plusieurs mois, alors que selon l'Alliance des maisons de soins palliatifs, la durée moyenne d'un séjour est de 17 jours.

Cette histoire est merveilleuse. Mais quand les ressources seront définitivement engorgées, combien de familles pourront bénéficier d'une pareille expérience?

Je reviens donc à ma première question, et à la dure réalité: combien coûte un lit dans une institution de soins aigus, dont la vocation est de déployer les techniques les plus avancées non pas pour adoucir des fins de vie, mais pour sauver des vies? Et ce, alors que les hôpitaux manquent de lits pour recevoir les patients en attente d'interventions chirurgicales?

Pourquoi ne pas plutôt favoriser l'expansion du réseau de maisons de soins palliatifs, qui, un peu comme ces maisons de naissance qui accompagnent le début de la vie, ne nécessitent pas un environnement hypermédicalisé?

Pourquoi continuer à maintenir dans les hôpitaux des services où l'on a surtout besoin d'infirmières et de bénévoles, la participation des médecins se limitant à l'administration de sédatifs? Pour ce genre de tâche, nul besoin d'avoir dans les mêmes lieux une armada de spécialistes et de chirurgiens. Il suffit d'avoir un médecin sur place ou disponible à quelques minutes d'avis. Certes, les étudiants en médecine doivent connaître les soins palliatifs, mais rien n'exige que cet enseignement se fasse dans des hôpitaux universitaires.

La multiplication d'institutions semi-privées de soins palliatifs aurait l'avantage de procurer les mêmes services à plus faible coût pour l'État, car ces maisons (dont l'accès est gratuit pour les patients) sont financées à 60% par des activités de financement et des dons, et fonctionnent avec un personnel réduit grâce à la collaboration d'un très grand nombre de bénévoles. (Selon PalliAmi, cité samedi par Pierre Foglia, les bénévoles ne manquent pas: l'accompagnement des mourants est manifestement une cause qui attire les bonnes volontés).

En sortant les soins palliatifs des chambres exigües des hôpitaux, on pourrait aussi offrir aux couples et aux familles un espace de vie plus vaste et plus confortable. Avec la constitution du CHUM et du CUSM, Montréal regorge d'anciens hôpitaux dont on ne sait que faire. Pourquoi ne pas les transformer en centres de soins palliatifs?