N'y a-t-il pas un avocat, au Nouveau-Brunswick, qui croit que même les pires criminels doivent bénéficier d'une défense pleine et entière?

On se le demande quand le seul avocat à protester jusqu'ici contre le traitement qui a été infligé à Justin Bourque est un Québécois. Dans un article publié dans la Revue du Barreau, Me Jean-Claude Hébert s'insurge contre la façon dont a été mené le procès de ce jeune homme de Moncton qui purge actuellement une peine de... 75 ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle.

«Face à l'indéniable déni de justice subi par Justin Bourque, écrit Me Hébert, le Barreau du Nouveau-Brunswick doit assumer ses responsabilités. Il lui incombe de solliciter un procureur chevronné pour faire appel.»

La cause de Justin Bourque n'est pas du genre populaire. En juin dernier, lors d'une fusillade qui a terrifié la région de Moncton pendant des heures, Bourque a abattu trois policiers de la GRC. Mais dans un pays civilisé, il existe une telle chose que le droit à un procès juste.

Me Hébert croit que la sentence dont a écopé Bourque, tout autant que la façon dont le procès a été mené et l'attitude de son propre avocat, justifie un appel.

L'avocat note une irrégularité dans le rapport psychiatrique commandé par le tribunal. Le psychiatre se prononce, hors mandat, sur la responsabilité criminelle de Bourque au moment de la tuerie. Compte tenu du comportement antérieur de l'accusé, qui était de toute évidence en proie à de profonds désordres mentaux, le procureur de la défense aurait dû commander sa propre expertise psychiatrique.

«Des faits pertinents auraient pu être évoqués au soutien d'une défense d'irresponsabilité criminelle et/ou d'un verdict moindre de meurtre au second degré ou d'homicide involontaire», écrit Me Hébert.

Ce dernier conteste «le rôle inquisiteur» du juge David D. Smith, qui a parlé, notamment, de «la préméditation de crimes tout aussi graves qu'abominables» - une «rhétorique ravageuse» qui va à l'encontre des prescriptions de la Cour suprême. Mais l'avocat de la défense avait lui-même ouvert la voie en convenant, de concert avec le procureur de la Couronne, que les actions de l'accusé avaient été «planifiées et délibérées» et que «ses crimes comptent parmi les plus odieux de l'histoire du Canada».

Cela va contre le devoir de loyauté d'un avocat de la défense, estime Me Hébert, car «l'avocat qui porte un jugement moral sur son client se trompe de mission. Il fausse l'équilibre judiciaire et discrédite l'administration de la justice».

Après que Bourque s'est vu imposer cette sentence sans précédent de 75 ans - une sentence découlant d'une loi de 2011 qui autorise des peines consécutives pour de multiples meurtres -, l'avocat de la défense, Me David M. Lutz, a déclaré d'autorité que son client renonçait à son droit d'appel parce que la loi, selon lui, «ne laissait aucune marge discrétionnaire au juge d'instance».

C'est là une conclusion que Me Hébert conteste fortement. L'imposition de peines de prison à vie aussi longues sans possibilité de libération conditionnelle (Bourque pourra demander une libération quand il atteindra l'âge de... 99 ans!) pourrait être inconstitutionnelle du fait qu'il s'agit d'une «punition cruelle et inusitée» prohibée par la Charte des droits et libertés.

Jusqu'à présent, le Barreau du Nouveau-Brunswick n'a pas donné suite à la requête de Me Hébert. Mais la communauté juridique devrait se pencher sur la nécessité d'en appeler de cette sentence inhumaine et de ce procès où l'accusé n'a pas eu droit à une défense pleine et entière.